Notre-Dame d'Espérance https://www.notredameesperance.com Fri, 31 May 2024 14:08:53 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.5.5 https://www.notredameesperance.com/wp-content/uploads/2021/02/cropped-cropped-logo-eve-grand-format-32x32.jpg Notre-Dame d'Espérance https://www.notredameesperance.com 32 32 Conférence de Sonia Fellous https://www.notredameesperance.com/2024/05/16/conference-de-sonia-fellous/ Thu, 16 May 2024 15:48:37 +0000 https://www.notredameesperance.com/?p=2740
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Delphine Horvilleur à l’Espérance https://www.notredameesperance.com/2024/03/18/delphine-horvilleur-a-lesperance/ Mon, 18 Mar 2024 09:50:21 +0000 https://www.notredameesperance.com/?p=2530

Nous avons eu l’immense joie et privilège de recevoir Delphine Horvilleur à Notre Dame d’Espérance ce dimanche 17 mars. Comment faire humanité devant l’horreur ? doit-on opposer les souffrances ? quelle est la force du langage dans notre société ? prenons nous le risque d’entrer dans la conversation avec celui qui ne me ressemble pas et ainsi de nous laisser transformer par la rencontre ? voici quelques thèmes qu’elle a pu aborder avec beaucoup de profondeur, d’humour et de vérité. Accompagnée de chants séfarades, portés par deux artistes talentueuses, Jennifer Tani et Charlotte Testu, nous avons pu vivre une bulle poétique.

Nous vous proposons de retrouver son intervention enregistrée ci-dessous.

Première rencontre du cycle « Rencontre et Dialogue », nous donnons rendez-vous aux participants le mardi 2 avril prochain à 20h30 pour la seconde partie de cette rencontre.

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Laudate Deum https://www.notredameesperance.com/2023/10/27/laudate-deum/ Fri, 27 Oct 2023 16:07:09 +0000 https://www.notredameesperance.com/?p=2354 4 octobre 2023

  1. « Louez Dieu pour toutes ses créatures ». C’est l’invitation que saint François d’Assise a lancée par sa vie, ses cantiques, ses gestes. Il reprenait ainsi la proposition des psaumes de la Bible et reproduisait la sensibilité de Jésus à l’égard des créatures de son Père : « Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’entre eux » (Mt 6, 28-29). « Est-ce que l’on ne vend pas cinq moineaux pour deux sous ? Or pas un seul n’est oublié au regard de Dieu » (Lc 12, 6). Comment ne pas admirer cette tendresse de Jésus pour tous les êtres qui nous accompagnent sur notre route ?
  1. Huit années se sont écoulées depuis que j’ai publié la Lettre encyclique Laudato si’, voulant partager avec vous tous, frères et sœurs de notre planète éprouvée, mes profondes préoccupations concernant la sauvegarde de la Maison commune. Mais je me rends compte au fil du temps que nos réactions sont insuffisantes alors que le monde qui nous accueille s’effrite et s’approche peut-être d’un point de rupture. Quoi qu’il en soit de cette éventualité, il ne fait aucun doute que l’impact du changement climatique sera de plus en plus préjudiciable à la vie et aux familles de nombreuses personnes. Nous en ressentirons les effets dans les domaines de la santé, de l’emploi, de l’accès aux ressources, du logement, des migrations forcées, etc.
  1. Il s’agit d’un problème social global qui est intimement lié à la dignité de la vie humaine. Les évêques des États-Unis ont très bien exprimé le sens social de notre préoccupation à l’égard du changement climatique, qui va au-delà d’une approche purement écologique parce que « l’attention que nous portons les uns aux autres et l’attention que nous portons à la terre sont intimement liées. Le changement climatique est l’un des principaux défis auxquels la société et la communauté mondiale sont confrontées. Les effets du changement climatique sont supportés par les personnes les plus vulnérables, que ce soit chez elles ou dans le monde entier ».[1] Les évêques présents au Synode pour l’Amazonie l’ont également exprimé en peu de mots : « Les attaques contre la nature ont des conséquences sur la vie des peuples ».[2] Et pour exprimer de manière convaincante qu’il ne s’agit plus d’une question secondaire ou idéologique mais d’un drame qui nuit à tout le monde, les évêques africains ont affirmé que le changement climatique met en lumière « un exemple frappant de péché structurel ».[3]
  1. La réflexion et les informations que nous avons pu recueillir au cours de ces huit dernières années nous permettent de préciser et de compléter ce que nous avons affirmé il y a quelque temps. C’est pour cette raison, et parce que la situation est en train de devenir encore plus urgente, que j’ai voulu partager ces pages avec vous.

La crise climatique globale

  1. Nous avons beau essayer de les nier, de les cacher, de les dissimuler ou de les relativiser, les signes du changement climatique sont là, toujours plus évidents. Nul ne peut ignorer que nous avons assisté ces dernières années à des phénomènes extrêmes, à de fréquentes périodes de chaleur inhabituelle, à des sécheresses et à d’autres gémissements de la terre qui ne sont que quelques-unes des expressions tangibles d’une maladie silencieuse qui nous affecte tous. Il est vrai que toute catastrophe ne peut être attribuée d’emblée au changement climatique global. Il est cependant vérifiable que certains changements climatiques provoqués par l’humanité augmentent considérablement la probabilité d’événements extrêmes de plus en plus fréquents et intenses. Ainsi, nous savons que chaque fois que la température mondiale augmente de 0,5 °C, l’intensité comme la fréquence des fortes pluies et des inondations dans certaines régions, des sécheresses graves en d’autres, des chaleurs extrêmes en certains lieux et des chutes de neige abondantes en d’autres, augmentent également.[4] Si nous pouvions jusqu’à maintenant connaître quelques vagues de chaleur par an, que se passera-t-il avec une augmentation de la température globale de 1,5 °C, ce dont nous sommes proches ? De telles vagues de chaleur seront beaucoup plus fréquentes et plus intenses. Si l’on dépasse 2 °C, les couches de glace du Groenland fondront complètement et une bonne partie de celles de l’Antarctique,[5] ce qui aura des conséquences énormes et très graves pour tous.

Résistances et confusions

  1. Ces dernières années, de nombreuses personnes ont tenté de se moquer de ce constat. Elles font appel à des données supposées scientifiquement solides, comme le fait que la planète a toujours connu et connaîtra toujours des périodes de refroidissement et de réchauffement. Elles oublient de mentionner un autre fait pertinent : ce à quoi nous assistons aujourd’hui est une accélération inhabituelle du réchauffement, à une vitesse telle qu’il suffit d’une génération – et non des siècles ou des millénaires – pour le constater. L’élévation du niveau des mers et la fonte des glaciers peuvent être facilement perceptibles à une personne au cours de sa vie, et il est probable que dans quelques années de nombreuses populations devront déplacer leurs habitations à cause de ces événements.
  1. Pour ridiculiser ceux qui parlent de réchauffement global, il est fait référence au fait que, souvent, on constate aussi des froids extrêmes. On oublie que ces symptômes extraordinaires, avec d’autres, ne sont que des expressions alternatives de la même cause : le déséquilibre global provoqué par le réchauffement de la planète. Les sécheresses et les inondations, les lacs asséchés et les populations détruites par des raz-de-marée ou des inondations, ont en définitive la même origine. D’autre part, si nous parlons d’un phénomène global, nous ne pouvons pas le confondre avec des événements transitoires et changeants, qui s’expliquent en grande partie par des facteurs locaux.
  1. Le manque d’information conduit à confondre les grandes projections climatiques qui portent sur de longues périodes – nous parlons de décennies – avec les prévisions météorologiques qui peuvent tout au plus couvrir quelques semaines. Lorsque nous parlons de changement climatique, nous faisons référence à une réalité globale – avec des variations locales constantes – qui perdure sur plusieurs décennies. Dans une tentative de simplifier la réalité, certains attribuent la responsabilité aux pauvres parce qu’ils ont beaucoup d’enfants, et ils cherchent même à résoudre le problème en mutilant les femmes des pays les moins développés. Comme toujours, il semblerait que ce soit la faute des pauvres. Mais la réalité est qu’un faible pourcentage des plus riches de la planète pollue plus que les 50% plus pauvres de la population mondiale, et que les émissions par habitant des pays les plus riches sont très supérieures à celles des pays les plus pauvres.[6] Comment oublier que l’Afrique, qui abrite plus de la moitié des personnes les plus pauvres de la planète, n’est responsable que d’une infime partie des émissions historiques ?
  1. On dit aussi souvent que les efforts visant à atténuer le changement climatique, en réduisant l’utilisation des combustibles fossiles et en développant des formes d’énergies plus propres, entraîneront une réduction des emplois. En réalité, des millions de personnes perdent leur travail en raison des diverses conséquences du changement climatique : tant l’élévation du niveau de la mer que les sécheresses, et bien d’autres phénomènes affectant la planète, ont laissé nombre de personnes à la dérive. Par ailleurs, la transition vers des formes d’énergies renouvelables bien gérées, ainsi que les efforts d’adaptation aux dommages du changement climatique, sont capables de créer d’innombrables emplois dans différents secteurs. Cela exige que les hommes politiques et les hommes d’affaires s’en occupent dès maintenant.

Les causes humaines

  1. On ne peut plus douter de l’origine humaine, – “anthropique” – du changement climatique. Voyons pourquoi. La concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, qui provoquent le réchauffement de la terre, est restée stable jusqu’au XIXème siècle, en dessous de 300 ppm en volume. Mais, au milieu de ce siècle, coïncidant avec le développement industriel, les émissions ont commencé à augmenter. Au cours des cinquante dernières années, l’augmentation s’est nettement accélérée, comme l’affirme l’observatoire de Mauna Loa qui mesure quotidiennement le dioxyde de carbone depuis 1958. Au moment où j’écrivais Laudato si’, le taux atteignait le niveau record de l’histoire -de400ppm-pouratteindre423ppmenjuin2023.[7] Plusde42%dutotaldesémissions nettes produites depuis 1850 l’ont été après 1990.[8]
  1. En même temps, nous constatons que, durant ces cinquante dernières années, la température a augmenté à une vitesse jamais vue au cours des deux derniers millénaires. Pendant cette période, la tendance a été d’un réchauffement de 0,15 °C par décennie, le double de ce qui s’est passé au cours des 150 dernières années. De 1850 à nos jours, la température globale a augmenté de 1,1 °C, un phénomène amplifié dans les zones polaires. À ce rythme, il est possible que nous atteindrons dans dix ans la limite supérieure recommandée de 1,5 °C.[9] L’augmentation ne se produit pas seulement à la surface de la terre, mais aussi à plusieurs kilomètres d’altitude dans l’atmosphère, à la surface des océans et même à des centaines de mètres de profondeur. L’acidité des mers a ainsi augmenté et leur teneur en oxygène a été réduite. Les glaciers reculent, la couverture neigeuse diminue et le niveau des mers ne cesse de monter.[10]
  1. Il n’est pas possible de dissimuler la coïncidence entre ces phénomènes climatiques mondiaux et la croissance accélérée des émissions de gaz à effet de serre, en particulier depuis le milieu du XXème siècle. Cette corrélation est défendue par une écrasante majorité de spécialistes du climat, et seul un infime pourcentage d’entre eux tente de nier cette évidence. Malheureusement, la crise climatique n’est pas vraiment un sujet d’intérêt pour les grandes puissances économiques, soucieuses du plus grand profit au moindre coût et dans les plus brefs délais possibles.
  1. Je suis obligé d’apporter ces précisions, qui peuvent sembler évidentes, à cause de certaines opinions méprisantes et déraisonnables que je rencontre même au sein de l’Église catholique. Mais nous ne pouvons plus douter que la cause de la rapidité inhabituelle de ces changements dangereux est un fait indéniable : les énormes changements liés à l’intervention effrénée de l’homme sur la nature au cours des deux derniers siècles. Les éléments d’origine naturelle qui provoquent généralement un réchauffement, tels que les éruptions volcaniques et autres, ne suffisent pas à expliquer l’ampleur et la rapidité des changements survenus au cours des dernières décennies.[11] L’évolution des températures moyennes à la surface ne peut être expliquée sans l’effet de l’augmentation des gaz à effet de serre.

Dommages et risques

  1. Certaines manifestations de cette crise climatique sont déjà irréversibles pour des centaines d’années au moins, comme l’augmentation de la température globale des océans, leur acidification et leur appauvrissement en oxygène. Les eaux océaniques ont une inertie thermique et il faut des siècles pour normaliser la température et la salinité, ce qui affecte la survie de nombreuses espèces. C’est un signe, parmi tant d’autres, que les autres créatures de ce monde ont cessé d’être nos compagnes de route pour devenir nos victimes.
  1. Il en va de même pour le processus conduisant à la diminution des glaces continentales. La fonte des pôles ne pourra être inversée avant des centaines d’années. En matière de climat, certains facteurs perdurent longtemps, indépendamment des faits qui les ont déclenchés. C’est pourquoi nous ne pouvons plus arrêter les énormes dégâts que nous avons causés. Nous avons juste le temps d’éviter des dégâts encore plus dramatiques.
  1. Certains diagnostics apocalyptiques semblent souvent peu rationnels ou insuffisamment fondés. Cela ne doit pas nous faire ignorer que la possibilité de parvenir à un point critique est réelle. Des changements mineurs peuvent provoquer des changements plus grands, imprévus et peut- être déjà irréversibles, en raison de facteurs d’inertie. Cela pourrait finir par déclencher une cascade d’événements qui se précipiteraient comme un effet boule de neige. Dans une telle éventualité, nous serons toujours en retard, car aucune intervention ne pourra arrêter le processus déjà commencé. Aucun retour en arrière ne sera possible. Nous ne pouvons pas affirmer avec certitude, à partir des conditions actuelles, que cela se produira. Mais cela est assurément une possibilité si l’on tient compte des phénomènes déjà en cours qui “sensibilisent” au climat, comme par exemple le rétrécissement de la banquise, la modification des flux océaniques, la déforestation des zones tropicales, la fonte du permafrost en Russie.[12]
  1. Il est donc urgent d’adopter une vision plus large qui nous permette non seulement d’admirer les merveilles du progrès, mais aussi de prêter attention à d’autres effets que nous n’aurions probablement pas pu imaginer il y a un siècle. Il ne nous est rien demandé de plus qu’une certaine responsabilité face à l’héritage que nous laisserons de notre passage en ce monde.
  1. Enfin, on peut ajouter que la pandémie de Covid-19 a démontré l’étroite relation de la vie humaine avec celle des autres êtres vivants, et l’environnement. Mais elle a surtout confirmé combien ce qui se passe partout dans le monde a des répercussions sur l’ensemble de la planète. Cela me permet de répéter deux convictions sur lesquelles j’insiste infatigablement : “tout est lié” et “personne ne se sauve tout seul”.

Davantage de paradigme technocratique

  1. J’ai donné dans Laudato si’ une brève explication du paradigme technocratique qui se trouve derrière le processus actuel de dégradation de l’environnement. C’est « une manière de comprendre la vie et l’activité humaine qui a dévié et qui contredit la réalité jusqu’à lui nuire ».[13] Au fond, il consiste à penser « comme si la réalité, le bien et la vérité surgissaient spontanément du pouvoir technologique et économique lui-même ».[14] En conséquence logique, « on en vient facilement à l’idée d’une croissance infinie ou illimitée, qui a enthousiasmé beaucoup d’économistes, de financiers et de technologues ».[15]
  1. Au cours des dernières années, nous avons pu confirmer ce diagnostic tout en assistant à une nouvelle avancée du paradigme en question. L’intelligence artificielle et les dernières innovations technologiques partent de l’idée d’un être humain sans aucune limite, dont les capacités et les possibilités pourraient être étendues à l’infini grâce à la technologie. Le paradigme technocratique s’alimente ainsi lui-même de façon monstrueuse.
  1. Les ressources naturelles nécessaires à la technologie, comme le lithium, le silicium et bien d’autres, ne sont certes pas illimitées, mais le plus grand problème est l’idéologie qui sous-tend une obsession : accroître au-delà de l’imaginable le pouvoir de l’homme, face auquel la réalité non humaine est une simple ressource à son service. Tout ce qui existe cesse d’être un don qu’il faut apprécier, valoriser et protéger, et devient l’esclave, la victime de tous les caprices de l’esprit humain et de ses capacités.
  1. Il est effrayant de constater que les capacités accrues de la technologie donnent « à ceux qui ont la connaissance, et surtout le pouvoir économique d’en faire usage, une emprise impressionnante sur l’ensemble de l’humanité et sur le monde entier. Jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle s’en servira bien, surtout si l’on considère la manière dont elle est en train de l’utiliser […]. En quelles mains se trouve et pourrait se trouver tant de pouvoir ? Il est terriblement risqué qu’il réside en une petite partie de l’humanité ».[16]

Repenser notre usage du pouvoir

  1. Toute augmentation de pouvoir n’est pas forcément un progrès pour l’humanité. Il suffit de penser aux technologies “admirables” qui ont été utilisées pour décimer des populations, lancer des bombes atomiques, anéantir des groupes ethniques. Il y a eu des moments de l’histoire où l’admiration du progrès ne permettait pas de voir l’horreur de ses effets. Mais c’est un risque toujours présent, car « l’immense progrès technologique n’a pas été accompagné d’un développement de l’être humain en responsabilité, en valeurs, en conscience […]. L’homme est nu, exposé à son propre pouvoir toujours grandissant, sans avoir les éléments pour le contrôler. Il peut disposer de mécanismes superficiels, mais nous pouvons affirmer qu’il lui manque aujourd’hui une éthique solide, une culture et une spiritualité qui le limitent réellement et le contiennent dans une abnégation lucide ».[17] Il n’est pas étonnant qu’un pouvoir aussi grand en de telles mains puisse anéantir la vie, alors que la matrice de pensée propre au paradigme technocratique nous aveugle et ne nous permet pas de voir ce problème très grave de l’humanité d’aujourd’hui.
  1. Contrairement à ce paradigme technocratique, nous affirmons que le monde qui nous entoure n’est pas un objet d’exploitation, d’utilisation débridée, d’ambitions illimitées. Nous ne pouvons même pas dire que la nature serait un simple “cadre” où nous développerions nos vies et nos projets, car « nous sommes inclus en elle, nous en sommes une partie, et nous sommes enchevêtrés avec elle »,[18] de sorte que « le monde ne se contemple pas de l’extérieur mais de l’intérieur ».[19]
  1. Cela exclut l’idée que l’être humain serait un étranger, un facteur externe capable seulement de nuire à l’environnement. Il doit être considéré comme faisant partie de la nature. La vie humaine, l’intelligence et la liberté sont insérées dans la nature qui enrichit notre planète, elles font partie de ses forces internes et de son équilibre.
  1. C’est pourquoi un environnement sain est aussi le produit de l’interaction de l’homme avec l’environnement, comme c’est le cas des cultures indigènes et comme cela a été le cas durant des siècles dans différentes régions du monde. Les groupes humains ont très souvent “créé” l’environnement,[20] l’ont remodelé d’une manière ou d’une autre sans le détruire ni le mettre en danger. Le grand problème aujourd’hui est que le paradigme technocratique a détruit cette relation saine et harmonieuse. Cependant, l’indispensable dépassement de ce paradigme aussi néfaste et destructeur ne se trouve pas dans la négation de l’être humain, mais inclut l’interaction entre les systèmes naturels et « les systèmes sociaux ».[21]
  1. Nous devons tous repenser la question du pouvoir humain, de sa signification et de ses limites. En effet, notre pouvoir s’est accru de manière effrénée en peu de décennies. Nous avons fait des progrès technologiques impressionnants et stupéfiants, et nous ne nous rendons pas compte que, dans le même temps, nous sommes devenus extrêmement dangereux, capables de mettre en danger la vie de beaucoup d’êtres ainsi que notre propre survie. Il y a lieu de répéter aujourd’hui l’ironie de Soloviev : un siècle tellement avancé qu’il a des chances d’être le dernier.[22] Lucidité et honnêteté sont nécessaires pour reconnaître à temps que notre pouvoir et le progrès que nous générons se retournent contre nous-mêmes.[23]

L’aiguillon éthique

  1. La décadence éthique du pouvoir réel est déguisée par le marketing et les fausses informations, qui sont des mécanismes utiles aux mains de ceux qui disposent de plus de ressources afin d’influencer l’opinion publique. Grâce à ces mécanismes, lorsqu’il est prévu de lancer un projet à fort impact environnemental et aux effets polluants importants, on illusionne les habitants de la région en leur parlant du progrès local qui pourra être généré, ou des opportunités économiques en matière d’emploi et de promotion humaine que cela signifiera pour leurs enfants. Mais en réalité, on ne semble pas s’intéresser vraiment à l’avenir de ces personnes, car on ne leur dit pas clairement qu’à la suite de tel projet, il résultera une terre dévastée, des conditions beaucoup plus défavorables pour vivre et prospérer, une région désolée, moins habitable, sans vie et sans la joie de la coexistence et de l’espérance, sans compter les dommages globaux qui finiront par nuire à beaucoup d’autres.
  1. Il suffit de penser à l’enthousiasme éphémère causé par l’argent reçu en échange du dépôt de déchets nucléaires sur un site. La maison que l’on a pu acheter avec cet argent s’est transformée en tombeau à cause des maladies qui se sont déclarées. Et je ne parle pas en raison d’une imagination débordante, mais à partir d’une expérience vécue. On pourra dire qu’il s’agit d’un exemple extrême, mais il n’est pas possible de parler ici de dommages “mineurs”, car c’est la somme totale de nombreux dommages considérés comme tolérables qui finit par conduire à la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui.
  1. Cette situation ne relève pas seulement de la physique ou de la biologie, mais aussi de l’économie et de notre façon de la penser. La logique du profit maximum au moindre coût, déguisée en rationalité, en progrès et en promesses illusoires, rend impossible tout souci sincère de la Maison commune et toute préoccupation pour la promotion des laissés-pour-compte de la société. Nous avons constaté ces dernières années que, étourdis et enchantés par les promesses de si nombreux faux prophètes, les pauvres eux-mêmes tombent parfois dans la tromperie d’un monde qui ne se construit pas pour eux.
  1. Des idées erronées se développent autour de la soi-disant “méritocratie” qui est devenue un pouvoir humain “mérité” auquel tout doit se soumettre, une domination de ceux qui sont nés dans de meilleures conditions de développement. Une chose est d’avoir une saine conception de la valeur de l’engagement, du développement de ses propres capacités et d’un louable esprit d’initiative ; mais si l’on ne recherche pas une réelle égalité des chances, cela devient facilement un écran qui renforce plus encore les privilèges de quelques-uns ayant davantage de pouvoir. Dans cette logique perverse, qu’ont-ils à faire des dommages causés à la Maison commune s’ils se sentent en sécurité sous la prétendue armure des ressources économiques qu’ils ont obtenues grâce à leurs capacités et à leurs efforts ?
  1. Dans leur conscience, et face au visage des enfants qui paieront les dégâts de leurs actions, la question du sens se pose : quel est le sens de ma vie, quel est le sens de mon passage sur cette terre, quel est le sens, en définitive, de mon travail et de mes efforts ?

La faiblesse de la politique internationale

  1. Alors que « l’histoire est en train de donner des signes de recul […] chaque génération doit faire siens les luttes et les acquis des générations passées et les conduire à des sommets plus hauts encore. C’est là le chemin. Le bien, comme l’amour également, la justice et la solidarité ne s’obtiennent pas une fois pour toutes ; il faut les conquérir chaque jour ».[24] Pour obtenir un progrès solide et durable, j’insiste sur le fait que « les accords multilatéraux entre les États doivent avoir une place de choix ».[25]
  1. Le multilatéralisme ne doit pas être confondu avec une autorité mondiale concentrée sur une seule personne ou sur une élite au pouvoir excessif : « Lorsqu’on parle de la possibilité d’une forme d’autorité mondiale régulée par le droit, il ne faut pas nécessairement penser à une autorité personnelle ».[26] Nous parlons surtout « d’organisations mondiales plus efficaces, dotées d’autorité pour assurer le bien commun mondial, l’éradication de la faim et de la misère ainsi qu’une réelle défense des droits humains fondamentaux ».[27] Il s’agit de les doter d’une véritable autorité pour “assurer” la réalisation de certains objectifs auxquels on ne peut renoncer. Il en résultera un multilatéralisme qui ne dépendra pas des circonstances politiques changeantes ou des intérêts de quelques-uns, et qui aura une efficacité stable.
  1. Il reste regrettable que les opportunités créées par les crises mondiales soient perdues alors qu’elles seraient l’occasion d’apporter des changements salutaires.[28] C’est ce qui s’est passé lors de la crise financière de 2007-2008, et qui s’est reproduit lors de la crise de la Covid-19. En effet, « les réelles stratégies, développées ultérieurement dans le monde, semblent avoir visé plus d’individualisme, plus de désintégration, plus de liberté pour les vrais puissants qui trouvent toujours la manière de s’en sortir indemnes ».[29]

Reconfigurer le multilatéralisme

  1. Plutôt que de sauver l’ancien multilatéralisme, il semble que le défi consiste aujourd’hui à le reconfigurer et à le recréer à la lumière de la nouvelle situation mondiale. J’invite à reconnaître que « beaucoup de regroupements et d’organisations de la société civile aident à pallier les faiblesses de la Communauté Internationale, son manque de coordination dans des situations complexes, son manque de vigilance en ce qui concerne les droits humains fondamentaux ».[30] Le processus d’Ottawa contre l’utilisation, la production et la fabrication des mines antipersonnel est un exemple qui montre comment la société civile avec ses organisations est capable de créer des dynamiques efficaces que les Nations Unies ne peuvent pas atteindre. Ainsi, le principe de subsidiarité s’applique également à la relation mondial-local.
  1. À moyen terme, la mondialisation favorise les échanges culturels spontanés, une plus grande connaissance mutuelle et des chemins d’intégration des populations qui finissent par conduire à un multilatéralisme “d’en bas” et pas seulement décidé par les élites du pouvoir. Les revendications qui émergent d’en bas partout dans le monde, où les militants des pays les plus divers s’entraident et s’accompagnent, peuvent finir par exercer une pression sur les facteurs de pouvoir. On peut espérer qu’il en sera ainsi concernant la crise climatique. C’est pourquoi je répète que « si les citoyens ne contrôlent pas le pouvoir politique – national, régional et municipal – un contrôle des dommages sur l’environnement n’est pas possible non plus ».[31]
  1. La culture post-moderne a généré une nouvelle sensibilité à l’égard des personnes les plus faibles et moins dotées de pouvoir. Cela rejoint mon insistance, dans l’Encyclique Fratelli tutti, sur le primat de la personne humaine et la défense de sa dignité en toutes circonstances. C’est une autre façon d’inviter au multilatéralisme pour résoudre les problèmes réels de l’humanité, en recherchant avant tout le respect de la dignité des personnes, de telle sorte que l’éthique prime sur les intérêts locaux ou de circonstance.
  1. Il ne s’agit pas de remplacer la politique, car, d’un autre côté, les puissances émergentes deviennent de plus en plus importantes et sont en fait capables d’obtenir des résultats significatifs dans la résolution de problèmes concrets, comme certaines d’entre elles l’ont démontré au cours de la pandémie. Le fait que les réponses aux problèmes peuvent venir de n’importe quel pays, aussi petit soit-il, finit par faire reconnaître le multilatéralisme comme une voie inévitable.
  1. La vieille diplomatie, elle aussi en crise, continue de montrer son importance et sa nécessité. Elle n’a cependant pas encore réussi à générer un modèle de diplomatie multilatérale qui réponde à la nouvelle configuration du monde, mais, si elle est capable de se reconfigurer, elle devra faire partie de la solution, car l’expérience des siècles ne peut pas non plus être rejetée.
  1. Le monde devient tellement multipolaire, et en même temps tellement complexe, qu’un cadre différent pour une coopération efficace est nécessaire. Il ne suffit pas de penser aux rapports de force, mais aussi à la nécessité de répondre aux nouveaux défis, et de réagir avec des mécanismes mondiaux aux défis environnementaux, sanitaires, culturels et sociaux, en particulier pour renforcer le respect des droits de l’homme les plus élémentaires, des droits sociaux et la protection de la Maison commune. Il s’agit d’établir des règles globales et efficaces pour “assurer” cette protection mondiale.
  1. Tout cela suppose l’initiation d’un nouveau processus de prise de décisions et de légitimation de celles-ci, car ce qui a été mis en place il y a plusieurs décennies n’est pas suffisant et ne semble pas efficace. Dans ce cadre, des espaces de conversation, de consultation, d’arbitrage, de résolution des conflits et de supervision sont nécessaires, bref, une sorte de plus grande “démocratisation” dans la sphère mondiale pour exprimer et intégrer les différentes situations. Il n’est pas utile de soutenir des institutions dans le but préserver les droits des plus forts sans se préoccuper des droits de tous.

Les Conférences sur le climat : progrès et échecs

  1. Depuis des décennies, les représentants de plus de 190 pays se réunissent régulièrement pour aborder la question du climat. La Conférence de Rio de Janeiro de 1992 a débouché sur l’adoption de la Convention sur le Changement Climatique (UNFCCC), un traité qui est entré en vigueur lorsque les pays signataires ont procédé aux ratifications nécessaires, en 1994. Ces États se réunissent chaque année lors de la Conférence des Parties (COP), l’organe de décision le plus élevé. Certaines ont été des échecs, comme celle de Copenhague (2009), tandis que d’autres ont permis de franchir des étapes importantes, comme la COP3 de Kyoto (1997). Son précieux Protocole a fixé comme objectif la réduction des émissions globales de gaz à effet de serre de 5 % par rapport à 1990. L’échéance était fixée à 2012, mais elle n’a manifestement pas été respectée.
  1. Toutes les parties se sont en outre engagées à mettre en œuvre les programmes d’adaptation déjà en cours pour réduire les effets du changement climatique. Une aide a également été prévue pour couvrir les coûts de ces mesures dans les pays en voie de développement. Le Protocole est entré en vigueur en 2005.
  1. Par la suite, un mécanisme pour les pertes et dommages (loss and damage) causés par le changement climatique a été proposé, qui reconnaisse les pays les plus riches comme les principaux responsables et qui cherche à compenser les pertes et dommages provoqués par le changement climatique dans les pays les plus vulnérables. Il ne s’agit plus de financer l’“adaptation” de ces pays, mais de les indemniser pour les dommages qu’ils ont déjà subis. Cette question a fait l’objet d’importantes discussions lors de diverses COP.
  1. La COP21 de Paris (2015) a été un autre moment important car elle a débouché sur un accord impliquant tout le monde. Elle peut être considérée comme un nouveau départ étant donné que les objectifs fixés lors de l’étape précédente n’ont pas été atteints. L’accord est entré en vigueur le 4 novembre 2016. Bien qu’il s’agisse d’un accord contraignant, toutes les exigences ne sont pas des obligations au sens strict et certaines d’entre elles laissent une grande marge de manœuvre. En outre, pour les obligations qui ne sont pas respectées, aucune sanction n’est strictement prévue et il n’y a pas d’instruments efficaces pour en garantir l’observation. L’accord prévoit également des formes de flexibilité pour les pays en voie de développement.
  1. L’Accord de Paris présente un objectif majeur à long terme : maintenir l’augmentation de la température globale en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, tout en visant à descendre en dessous de 1,5 °C. On travaille encore à renforcer les procédures concrètes de suivi, et à fournir des critères généraux pour comparer les objectifs des différents pays. Cela rend difficile une évaluation plus objective (quantitative) des résultats réels.
  1. Après quelques Conférences aux résultats médiocres et la déception de la COP25 de Madrid (2019), on espérait que cette inertie serait inversée lors de la COP26 de Glasgow (2021). Fondamentalement, son résultat fut de relancer l’Accord de Paris, remis en cause par les contraintes et les effets de la pandémie. À cela s’ajouta une abondance d’“exhortations” dont l’impact réel était peu prévisible. Les propositions visant à assurer une transition rapide et efficace vers des énergies alternatives et moins polluantes n’ont pas pu progresser.
  1. La COP27 de Sharm El Sheikh (2022) a été menacée dès le départ par la situation créée par l’invasion de l’Ukraine qui a provoqué une importante crise économique et énergétique. L’utilisation du charbon a augmenté et tout le monde a voulu sécuriser son approvisionnement. Les pays en voie de développement ont considéré l’accès à l’énergie et aux opportunités de développement comme une priorité urgente. Il a été clairement reconnu que les combustibles fossiles fournissent encore 80 % de l’énergie mondiale et que leur utilisation continue d’augmenter.
  1. Cette Conférence égyptienne a été un nouvel exemple de la difficulté des négociations. On peut dire qu’elle a au moins permis d’avancer dans le renforcement du système de financement des “pertes et dommages” dans les pays les plus touchés par les catastrophes climatiques. Cela a semblé donner une nouvelle voix et une plus grande participation aux pays en voie de développement. Mais, même sur cette question, de nombreux points sont restés imprécis, en particulier la responsabilité spécifique des pays qui doivent contribuer.
  1. Aujourd’hui, nous pouvons continuer à affirmer que « les accords n’ont été que peu mis en œuvre parce qu’aucun mécanisme adéquat de contrôle, de révision périodique et de sanction en cas de manquement, n’a été établi. Les principes énoncés demandent encore des moyens, efficaces et souples, de mise en œuvre pratique ».[32] En outre, « les négociations internationales ne peuvent pas avancer de manière significative en raison de la position des pays qui mettent leurs intérêts nationaux au-dessus du bien commun général. Ceux qui souffriront des conséquences que nous tentons de dissimuler rappelleront ce manque de conscience et de responsabilité ».[33]

Que peut-on espérer de la COP28 de Dubaï ?

  1. Les Émirats Arabes Unis accueilleront la prochaine Conférence des Parties (COP28). C’est un pays du Golfe Persique qui se définit comme un grand exportateur d’énergies fossiles, bien qu’il ait fait d’importants investissements dans les énergies renouvelables. Pendant ce temps, les compagnies pétrolières et gazières ambitionnent de réaliser de nouveaux projets pour augmenter encore la production. Dire qu’il n’y a rien à espérer serait un acte suicidaire qui conduirait à exposer toute l’humanité, en particulier les plus pauvres, aux pires impacts du changement climatique.
  1. Si nous avons confiance dans la capacité de l’être humain à transcender ses petits intérêts et à penser en grand, nous ne pouvons renoncer à rêver que cette COP28 conduira à une accélération marquée de la transition énergétique, avec des engagements effectifs et susceptibles d’un suivi permanent. Cette Conférence peut être un tournant si elle démontre que tout ce qui a été fait depuis 1992 était sérieux et en valait la peine, sans quoi elle sera une grande déception et mettra en péril tout le bien qui a pu être accompli jusqu’à maintenant.
  1. Malgré de multiples négociations et accords, les émissions mondiales ont continué à augmenter. Il est vrai que l’on peut affirmer que, sans ces accords, ils auraient augmenté plus encore. Mais sur d’autres sujets liés à l’environnement, des résultats très significatifs ont été obtenus lorsqu’il y a eu de la volonté, comme cela a été le cas pour la protection de la couche d’ozone. En revanche, la transition nécessaire vers les énergies propres comme les énergies éolienne et solaire, en abandonnant les combustibles fossiles, ne vas pas assez vite. Par conséquent, ce qui est fait risque d’être interprété comme un simple jeu de diversion.
  1. Nous devons cesser de sembler être conscients du problème, mais n’ayant pas, dans le même temps, le courage de faire des changements substantiels. Nous savons qu’à ce rythme nous dépasserons dans quelques années seulement la limite souhaitable de 1,5 °C et que nous pourrions atteindre en peu de temps 3 °C, avec le haut risque d’atteindre un point critique. Même si nous n’arrivons pas à ce point de non-retour, il est certain que les conséquences seraient désastreuses et que des mesures devraient être prises hâtivement, avec des coûts énormes et des conséquences économiques et sociales extrêmement graves et intolérables. Si les mesures que nous prenons maintenant ont des coûts, ceux-ci seront beaucoup plus lourds si nous attendons encore plus longtemps.
  1. Je considère qu’il est impératif d’insister sur le fait que « chercher seulement un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit, c’est isoler des choses qui sont entrelacées dans la réalité, et c’est se cacher les vraies et plus profondes questions du système mondial ».[34] Il est vrai que des efforts d’adaptation sont nécessaires face aux maux qui sont irréversibles à court terme. Certaines interventions et avancées technologiques, qui permettent d’absorber ou de capturer les gaz émis, sont positives. Mais nous courons le risque de rester enfermés dans la logique du colmatage, du bricolage, du raboutage au fil de fer, alors qu’un processus de détérioration que nous continuons à alimenter se déroule par-dessous. Supposer que tout problème futur pourra être résolu par de nouvelles interventions techniques est un pragmatisme homicide, comme un effet boule de neige.
  1. Finissons-en une bonne fois avec les moqueries irresponsables qui présentent ce sujet comme étant uniquement environnemental, “vert”, romantique, souvent ridiculisé par des intérêts économiques. Acceptons enfin qu’il s’agit d’un problème humain et social aux multiples aspects. C’est pourquoi le soutien de tous est nécessaire. Lors des Conférences sur le climat, les actions de groupes fustigés comme “radicalisés” attirent souvent l’attention. Mais ils comblent un vide de la société dans son ensemble qui devrait exercer une saine “pression” ; car toute famille doit penser que l’avenir de ses enfants est en jeu.
  1. Si l’on veut sincèrement que la COP28 soit historique, qu’elle nous honore et nous ennoblisse en tant qu’êtres humains, on ne peut qu’attendre des formes contraignantes de transition énergétique qui présentent trois caractéristiques : efficaces, contraignantes et facilement contrôlables ; cela pour parvenir à initier un nouveau processus radical, intense et qui compte sur l’engagement de tous. Cela n’est pas advenu sur le chemin parcouru jusqu’à présent, mais ce n’est que par un tel processus que la crédibilité de la politique internationale pourra être rétablie, car ce n’est que de cette manière concrète qu’il sera possible de réduire notablement le dioxyde de carbone et éviter à temps les pires maux.
  1. Espérons que ceux qui interviendront seront des stratèges capables de penser au bien commun et à l’avenir de leurs enfants, plutôt qu’aux intérêts circonstanciels de certains pays ou entreprises. Puissent-ils montrer ainsi la noblesse de la politique et non sa honte. Aux puissants, j’ose répéter cette question : « Pourquoi veut-on préserver aujourd’hui un pouvoir qui laissera le souvenir de son incapacité à intervenir lorsqu’il était urgent et nécessaire de le faire ? ».[35]

Les motivations spirituelles

  1. Je ne veux pas manquer de rappeler aux fidèles catholiques les motivations qui naissent de leur foi. J’encourage les frères et sœurs des autres religions à faire de même, car nous savons que la foi authentique donne non seulement des forces au cœur humain, mais qu’elle transforme toute la vie, transfigure les objectifs personnels, éclaire la relation avec les autres et les liens avec toute la création.

À la lumière de la foi

  1. La Bible raconte que « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon » (Gn 1, 31). À lui appartiennent « la terre et tout ce qui s’y trouve » (Dt 10, 14). C’est pourquoi il nous dit : « La terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car la terre m’appartient et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes » (Lv 25, 23). Par conséquent, « cette responsabilité vis-à-vis d’une terre qui est à Dieu implique que l’être humain, doué d’intelligence, respecte les lois de la nature et les délicats équilibres entre les êtres de ce monde ».[36]
  1. D’autre part, « l’ensemble de l’univers, avec ses relations multiples, révèle mieux l’inépuisable richesse de Dieu ». Par conséquent, pour être sages, « nous avons besoin de saisir la variété des choses dans leurs relations multiples ».[37] Sur ce chemin de sagesse, il n’est pas sans importance pour nous que nombre d’espèces disparaissent et que la crise climatique mette en danger la vie de tant d’êtres.
  1. Jésus « pouvait inviter les autres à être attentifs à la beauté qu’il y a dans le monde, parce qu’il était lui-même en contact permanent avec la nature et y prêtait une attention pleine d’affection et de stupéfaction. Quand il parcourait chaque recoin de sa terre, il s’arrêtait pour contempler la beauté semée par son Père, et il invitait ses disciples à reconnaître dans les choses un message divin ».[38]
  1. En même temps, « les créatures de ce monde ne se présentent plus à nous comme une réalité purement naturelle, parce que le Ressuscité les enveloppe mystérieusement et les oriente vers un destin de plénitude. Même les fleurs des champs et les oiseaux qu’émerveillé il a contemplés de ses yeux humains, sont maintenant remplis de sa présence lumineuse ».[39] Si « l’univers se déploie en Dieu, qui le remplit tout entier, il y a donc une mystique dans une feuille, dans un chemin, dans la rosée, dans le visage du pauvre ».[40] Le monde chante un Amour infini, comment ne pas en prendre soin ?

Marcher en communion et avec engagement

  1. Dieu nous a unis à toutes ses créatures. Pourtant, le paradigme technocratique nous isole de ce qui nous entoure et nous trompe en nous faisant oublier que le monde entier est une “zone de contact”.[41]
  1. La vision judéo-chrétienne du cosmos défend la valeur particulière et centrale de l’être humain au milieu du concert merveilleux de tous les êtres, mais aujourd’hui nous sommes obligés de reconnaître que seul un “anthropocentrisme situé” est possible. Autrement dit, reconnaître que la vie humaine est incompréhensible et insoutenable sans les autres créatures parce que « nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble ».[42]
  1. Cela n’est pas le produit de notre volonté, cela a une autre origine qui est à la racine de notre être, car « Dieu nous a unis si étroitement au monde qui nous entoure, que la désertification du sol est comme une maladie pour chacun ; et nous pouvons nous lamenter sur l’extinction d’une espèce comme si elle était une mutilation ».[43] Ainsi, nous mettons fin à l’idée d’un être humain autonome, tout-puissant et illimité, et nous nous repensons pour nous comprendre d’une manière plus humble et plus riche.
  1. J’invite chacun à accompagner ce chemin de réconciliation avec le monde qui nous accueille, et à l’embellir de sa contribution, car cet engagement concerne la dignité personnelle et les grandes valeurs. Toutefois, il faut être sincère et reconnaître que les solutions les plus efficaces ne viendront pas seulement d’efforts individuels, mais avant tout des grandes décisions de politique nationale et internationale.
  1. Cependant, tout s’ajoute, et éviter l’augmentation d’un dixième de degré de la température mondiale peut déjà suffire à épargner des souffrances à de nombreuses personnes. Mais, ce qui compte est une chose moins quantitative : rappeler qu’il n’y a pas de changement durable sans changement culturel, sans maturation du mode de vie et des convictions des sociétés, et il n’y a pas de changement culturel sans changement chez les personnes.
  1. L’effort des ménages pour polluer moins, réduire les déchets, consommer avec retenue, crée une nouvelle culture. Ce seul fait de modifier les habitudes personnelles, familiales et communautaires nourrit l’inquiétude face aux responsabilités non prises des secteurs politiques et l’indignation face au désintérêt des puissants. Nous remarquons donc que, même si cela n’a pas immédiatement un effet quantitatif notable, cela aide à mettre en place de grands processus de transformation qui opèrent depuis les profondeurs de la société.
  1. Si nous considérons que les émissions par habitant aux États-Unis sont environ le double de celles d’un habitant de la Chine, et environ sept fois supérieures à la moyenne des pays les plus pauvres,[44] nous pouvons affirmer qu’un changement généralisé du mode de vie irresponsable du modèle occidental auraient un impact significatif à long terme. De la sorte, avec les décisions politiques indispensables, nous serions sur la voie de l’attention mutuelle.
  1. « Louez Dieu » est le nom de cette lettre. Parce qu’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même.

Donné à Rome, Saint-Jean-de-Latran, le 4 octobre, fête de saint François d’Assise, de l’année 2023, la onzième de mon Pontificat.

FRANÇOIS

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[1] Conférence des Évêques Catholiques des États-Unis, Global Climate Change Background, 2019.

[2] Assemblée Spéciale du Synode des Évêques pour la Région Pan-amazonienne, Document final, octobre 2019, n. 10 : AAS 111 (2019), p. 1744.

[3] Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), African Climate Dialogues Communiqué, Nairobi, 17 octobre 2022.

[4] Cf. Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), Climate Change 2021,The Physical Science Basis, Cambridge and New York 2021, B.2.2.

[5] Cf. Id., Climate Change 2023Synthesis Report, Summary for Policymakers, B.3.2. Pour le Rapport 2023 on se réfère à https://www.ipcc.ch/report/ar6/syr/downloads/report/IPCC_AR6_SYR_SPM.pdf.

[6] Cf. United Nations Environment Program, The Emission Gap Report 2022: https://www.unep.org/resources/emissions- gap-report-2022.

[7] Cf. National Oceanic and Atmospheric Administration, Earth System Research Laboratory, Global Monitoring Division, Trends in Atmospheric Carbon Dioxide : https://www.esrl.noaa.gov/gmd/ccgg/trends/.

[8] Cf. IPCC, Climate Change 2023Synthesis Report, Summary for Policymakers, A.1.3.

[9] Cf. ibid., B.5.3.

[10] Ces données de l’IPCC sont basées sur 34000 études : Intergovernmental Panel on Climate Change; cf. Synthesis Report of the Sixth Assessment Report (20/03/2023) : AR6 Synthesis Report : Climate Change 2023 (ipcc.ch).

[11] Cf. IPCC, Climate Change 2023Synthesis Report, Summary for Policymakers, A.1.2.

[12] Cf. Ibid.

[13] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 101 : AAS 107 (2015), p. 887.

[14] Ibid., n. 105 : AAS 107 (2015), p. 889.

[15] Ibid., n. 106 : AAS 107 (2015), p. 890.

[16] Ibid., n. 104 : AAS 107 (2015), pp. 888-889.

[17] Ibid., n. 105 : AAS 107 (2015), p. 889.

[18] Ibíd., n. 139 : AAS 107 (2015), p. 903.

[19] Ibíd., n. 220 : AAS 107 (2015), p. 934.

[20] Cf. S. Sörlin – P. Warde, Making the Environment Historical. An Introduction, in Iidem, Nature’s End : History and the Environment, Basingstoke – New York 2009, pp. 1-23.

[21] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 139 : AAS 107 (2015), p. 903.

[22] Cf. V. Soloviev, Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, Genève 2005.

[23] Cf. S. Paul VI, Discours à la FAO pour son 25o anniversaire (16 novembre 1970), n. 4 : AAS 62 (1970), p. 833.

[24] Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 11 : AAS 112 (2020), p. 972.

[25] Ibíd., n. 174 : AAS 112 (2020), p. 1030.

[26] Ibíd., n. 172 : AAS 112 (2020), p. 1029.

[27] Ibíd.

[28] Cf. ibíd., n. 170 : AAS 112 (2020), p. 1029.

[29] Ibíd.
[30] 
Ibíd., n. 175 : AAS 112 (2020), p. 1031.

[31] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 179 : AAS 107 (2015), p. 918.

[32] Ibíd., n. 167 : AAS 107 (2015), p. 914.

[33] Ibíd., n. 169 : AAS 107 (2015), p. 915.

[34] Ibid., n. 111 : AAS 107 (2015), p. 982.

[35] Ibid., n. 57 : AAS 107 (2015), p. 870.

[36] Ibid., n. 68 : AAS 107 (2015), p. 874.

[37] Ibid., n. 86 : AAS 107 (2015), p. 881

[38] Ibid., n. 97 : AAS 107 (2015), p. 886.

[39] Ibid., n. 100 : AAS 107 (2015), p. 887.

[40] Ibid., n. 233 : AAS 107 (2015), p. 938.

[41] Cf. D. Haraway, When Species Meet, Minneapolis 2008, pp. 205-249.

[42] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 89 : AAS 107 (2015), p. 883.

[43] Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 215 : AAS 105 (2013), p. 1109.

[44] Cf. United Nations Environment Program, Emission Gap Report 2022 : https://www.unep.org/resources/emissions- gap-report-2022

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Instrumentum Laboris  https://www.notredameesperance.com/2023/10/02/instrumentum-laboris/ Mon, 02 Oct 2023 08:57:50 +0000 https://www.notredameesperance.com/?p=2275

Soirée de rencontres et d’échanges autour du synode avec Isabelle de Gaulemyn

Retrouvez l’enregistrement des échanges ici :

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Voyage apostolique à Marseille https://www.notredameesperance.com/2023/09/27/voyage-apostolique-a-marseille/ Wed, 27 Sep 2023 08:32:45 +0000 https://www.notredameesperance.com/?p=2270 BEST OFF du très riche et bel appel du discours de François à Marseille par Antoine.

« Nous avons besoin de fraternité comme de pain ! … En effet, le véritable mal social n’est pas tant l’augmentation des problèmes que le déclin de la prise en charge… L’Église, en confessant que Dieu, en Jésus Christ, « s’est en quelque sorte uni à tout homme » (Gaudium et spes, n. 22), croit, avec saint Jean-Paul II, que son chemin est l’homme (cf. Lett. enc. Redemptor hominis, n. 14). Elle adore Dieu et sert les plus fragiles qui sont ses trésors. Adorer Dieu et servir le prochain, voilà ce qui compte… Que l’Église soit un port de ravitaillement, où les personnes se sentent encouragées à prendre le large dans la vie avec la force incomparable de la joie du Christ… Par où commencer à tisser des liens entre les cultures, sinon par l’université ? Là, les jeunes ne sont pas fascinés par les séductions du pouvoir, mais par le rêve de construire l’avenir. Que les universités méditerranéennes soient des laboratoires de rêves et des chantiers d’avenir, où les jeunes grandissent en se rencontrant, en se connaissant et en découvrant des cultures et des contextes à la fois proches et différents. On abat ainsi les préjugés, on guérit les blessures et on conjure des rhétoriques fondamentalistes… Il est beau de s’aventurer dans une recherche philosophique et théologique qui, en puisant aux sources culturelles méditerranéennes, redonne espérance à l’homme, mystère de liberté en mal de Dieu et de l’autre, pour donner un sens à son existence. Et il est également nécessaire de réfléchir sur le mystère de Dieu, que personne ne peut prétendre posséder ou maîtriser, et qui doit même être soustrait à tout usage violent et instrumental, conscients que la confession de sa grandeur présuppose en nous l’humilité des chercheurs. »

Discours complet ici

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Paroles de François aux JMJ https://www.notredameesperance.com/2023/08/23/paroles-de-francois-aux-jmj/ Wed, 23 Aug 2023 11:43:06 +0000 https://www.notredameesperance.com/?p=2217

Chers jeunes, bonsoir ! Bienvenue ! Bienvenue et merci d’être ici, je suis heureux de vous voir ; je suis heureux d’entendre le beau vacarme que vous faites, et d’être contaminé par votre joie. Il est bon d’être ensemble à Lisbonne : je vous ai appelés, avec le Patriarche que je remercie pour ses paroles, avec vos évêques, vos prêtres, vos catéchistes et vos animateurs. Remercions tous ceux qui vous ont appelés et tous ceux qui ont travaillé pour rendre cette rencontre possible, et faisons-le avec de grands applaudissements ! Mais c’est surtout Jésus qui vous a appelés : remercions Jésus avec un autre grand applaudissement !

Vous n’êtes pas ici par hasard. Le Seigneur vous a appelés, non seulement en ces jours, mais dès le début de votre vie. Il nous a tous appelés depuis le début de notre vie. Oui, il vous a appelé par votre nom : nous l’avons entendu dans la Parole de Dieu qu’il nous a appelés par notre nom. Essayez d’imaginer ces trois mots écrits en grosses lettres ; ensuite pensez qu’ils sont écrits en vous, dans vos cœurs, comme pour former le titre de votre vie, le sens de ce que vous êtes : tu es appelé par ton nom, toi, toi, toi, nous tous qui sommes ici, moi, nous avons tous été appelés par notre nom. Nous n’avons pas été appelés automatiquement, nous avons été appelés par notre nom. Réfléchissons à ceci : Jésus m’a appelé par mon nom. Ce sont des mots écrits dans le cœur. Et puis pensons qu’ils sont écrits en chacun de nous, dans nos cœurs, et forment une sorte de titre pour votre vie, le sens de ce que nous sommes, le sens de ce que vous êtes : tu as été appelé par ton nom, tu as été appelé par ton nom, tu as été appelé par ton nom ! Aucun d’entre nous n’est chrétien par hasard : nous avons tous été appelés par notre nom. Au début de la trame de la vie, avant les talents que nous avons, avant les ombres et les blessures que nous portons en nous, nous avons été appelés. Nous avons été appelés, pourquoi ? Parce que nous sommes aimés. Nous avons été appelés, parce que nous sommes aimés. Que c’est beau ! Aux yeux de Dieu, nous sommes des enfants précieux qu’Il appelle chaque jour pour les étreindre et les encourager ; pour faire de chacun un chef-d’œuvre unique et original ; chacun d’entre nous est unique, il est original, et la beauté de tout cela, nous ne pouvons pas l’entrevoir.

Chers jeunes, au cours de ces Journées Mondiales de la Jeunesse, aidons-nous mutuellement à reconnaître cette réalité. Que ces journées soient des échos vibrants de cet appel à l’amour de Dieu, parce que nous sommes précieux aux yeux de Dieu, en dépit de ce que nos yeux voient ; parfois nos yeux sont assombris par ce qui est négatif et éblouis par trop de distractions. Que ces journées soient des journées où mon nom, ton nom, prononcé avec amitié par les frères et sœurs de nombreuses langues et nations – nous voyons beaucoup de drapeaux – résonne comme une nouvelle unique dans l’histoire, parce que la palpitation de Dieu pour toi est unique. Puissions-nous, durant ces journées, fixer en nos cœurs le fait que nous sommes aimés tels que nous sommes, et non pas tels que nous voudrions être : tels que nous sommes maintenant. C’est cela le point de départ des JMJ, mais surtout le point de départ de la vie. Garçons et filles : nous sommes aimés tels que nous sommes, sans maquillage ! Vous comprenez ?

Nous sommes appelés par notre nom, chacun d’entre nous. Ce n’est pas une manière de dire, c’est la Parole de Dieu (cf. Is 43, 1 ; 2 Tm 1, 9). Cher ami, si Dieu t’appelle par ton nom, cela signifie que, pour Dieu, aucun d’entre nous n’est un numéro, mais un visage, une figure, un cœur. Je voudrais que chacun d’entre vous remarque une chose : beaucoup aujourd’hui connaissent ton nom, mais ne t’appellent pas par ton nom. Ton nom est connu, il apparaît sur les réseaux sociaux, il est traité par des algorithmes qui lui associent des goûts et des préférences. Mais tout cela n’implique pas ton unicité, seulement ton utilité pour les études de marché. Combien de loups se cachent derrière des sourires de fausse bonté qui disent savoir qui tu es mais ne t’aiment pas, insinuent qu’ils croient en toi et te promettent que tu deviendras quelqu’un, pour ensuite te laisser seul quand tu ne les intéresses plus. Ce sont les illusions du virtuel, et nous devons veiller à ne pas nous laisser tromper car aujourd’hui beaucoup de réalités qui nous attirent et nous promettent le bonheur se révèlent ensuite pour ce qu’elles sont : des choses vaines, des bulles de savon, des choses superflues, des choses inutiles et qui nous laissent vides intérieurement. Je vais vous dire une chose : Jésus n’est pas ainsi, il n’est pas ainsi ! Il a confiance en chacun de vous, en chacun de nous parce que, pour Jésus, chacun de nous est important, chacun de vous est important. C’est cela Jésus.

C’est pourquoi nous, son Église, nous sommes la communauté de ceux qui ont été appelés : non pas la communauté des meilleurs – non, nous sommes tous pécheurs, mais nous sommes appelés, tels que nous sommes. Réfléchissons un peu à cela, dans notre cœur : nous sommes appelés tels que nous sommes, avec nos problèmes, avec nos limites, avec notre joie débordante, avec notre désir d’être meilleurs, avec notre désir de gagner. Nous sommes appelés tels que nous sommes. Pensez-y. Jésus m’appelle tel que je suis, et non tel que je voudrais être. Nous sommes la communauté des frères et sœurs de Jésus, des enfants du même Père.

Chers amis, je voudrais être clair avec vous qui êtes allergiques aux mensonges et aux paroles creuses : il y a de la place pour tout le monde dans l’Église, pour tout le monde ! Personne n’est inutile, personne n’est superflu, il y a de la place pour tout le monde. Tel que nous sommes, tout le monde. Et Jésus le dit clairement quand il envoie les apôtres inviter au banquet de cet homme qui l’avait préparé, il dit : « Allez chercher tout le monde, jeunes et vieux, bien portants et malades, justes et pécheurs : tous, tous, tous ». Dans l’Église, il y a de la place pour tous. « Père, mais je suis un misérable…, je suis une misérable, y a-t-il de la place pour moi? » Il y a de la place pour tout le monde ! Tous ensemble, chacun dans sa langue, répétez avec moi : « Tous, tous, tous ! « . [ils répètent] On n’entend pas, encore ! « Tous, tous, tous ! » Et c’est cela l’Église, la Mère de tous. Il y a de la place pour tous. Le Seigneur ne montre pas du doigt, mais il ouvre ses bras. Cela nous fait penser : le Seigneur ne sait pas faire ceci [montrer du doigt], mais il sait faire cela [étreindre], il nous étreint tous.

Jésus nous le montre sur la croix, en ouvrant si grand les bras au point d’être crucifié et de mourir pour nous. Jésus ne ferme jamais la porte, jamais, mais il t’invite à entrer : « entre et vois ». Jésus te reçoit, Jésus accueille. En ces jours, que chacun d’entre nous transmette le message d’amour de Jésus : « Dieu t’aime, Dieu t’appelle ». Comme c’est beau ! Dieu m’aime, Dieu m’appelle, il veut que je sois près de Lui.

Vous ce soir, vous m’avez posé aussi des questions, beaucoup de questions. Ne vous lassez jamais de poser des questions ! c’est bien, c’est même souvent mieux que de donner des réponses, parce que celui qui pose des questions reste « inquiet », et l’inquiétude est le meilleur remède contre l’habitude, contre cette normalité plate qui anesthésie l’âme. Chacun de nous porte en lui ses propres inquiétudes. Portons ces inquiétudes et portons-les dans le dialogue entre nous, portons-les quand nous prions devant Dieu. Ces questions qui deviennent des réponses avec la vie, nous n’avons qu’à les attendre. Il y a une chose très intéressante : Dieu aime par surprise, ce n’est pas programmé. L’amour de Dieu est surprise. Il surprend toujours, il nous tient toujours éveillés et nous surprend.

Chers garçons et filles, je vous invite à penser à cette chose si belle : Dieu nous aime, Dieu nous aime tels que nous sommes, et non pas tels que nous voudrions être ou tels que la société voudrait que nous soyons : tels que nous sommes. Il nous aime avec les défauts que nous avons, avec les limites que nous avons et avec le désir que nous avons d’avancer dans la vie. C’est ainsi que Dieu nous appelle. Ayez confiance parce que Dieu est Père, et il est un Père qui nous aime, un Père qui nous veut du bien. Ce n’est pas très facile, et c’est pourquoi nous avons une grande aide avec la Mère du Seigneur, qui est aussi notre Mère. Elle est notre Mère. Je voulais seulement vous dire cela. N’ayez pas peur, ayez du courage, allez de l’avant, en sachant que nous sommes protégés par l’amour de Dieu. Dieu nous aime. Disons-le ensemble, tous : « Dieu nous aime ». Plus fort, que je n’entends pas! [ils répètent] On n’entend pas ici… [ils répètent] Merci !

Cérémonie d’accueil, 3 août

Chers frères et sœurs, bonsoir !

Aujourd’hui, vous allez marcher avec Jésus. Jésus est le Chemin et nous marcherons avec Lui, parce que Lui a marché. Lorsqu’Il était parmi nous, Jésus a marché, Il a marché en guérissant les malades, en prenant soin des pauvres, en rendant la justice… Il a marché en prêchant, en enseignant. Jésus marche, mais le chemin le plus gravé dans nos cœurs est le chemin du Calvaire, le chemin de la Croix. Et aujourd’hui, vous, nous, moi aussi, nous renouvellerons par la prière le chemin de la Croix. Nous regarderons Jésus passer et nous marcherons avec Lui.

Le chemin de Jésus, c’est Dieu qui sort de lui-même, Il sort de Lui-même pour marcher parmi nous. Ce que nous entendons si souvent à la messe : « Et le Verbe s’est fait chair et a marché parmi nous ». Vous vous souvenez ? Le Verbe s’est fait homme et a marché parmi nous. Et cela, Il le fait par amour. Il le fait par amour. Et la croix qui accompagne toutes les Journées Mondiales de la Jeunesse est l’icône, la figure de cette marche. La Croix est le signe le plus grand du plus grand amour, l’amour avec lequel Jésus veut étreindre notre vie. La nôtre ? Oui, la tienne, la tienne, la tienne, celle de chacun de nous. Jésus marche pour moi. Nous devons tous le dire. Jésus entreprend ce chemin pour moi, pour donner sa vie pour moi. Et personne n’a plus d’amour que celui qui donne sa vie pour ses amis, celui qui donne sa vie pour les autres. N’oubliez pas ceci : personne n’a plus d’amour que celui qui donne sa vie, c’est ce que Jésus a enseigné. C’est pourquoi, lorsque nous regardons la Croix, qui est si douloureuse, si dure, nous voyons la beauté de l’amour qui donne sa vie pour chacun de nous.

Une personne très croyante a dit une phrase qui m’a beaucoup frappé. Elle a dit : « Seigneur, par ton ineffable agonie, je peux croire en l’amour. Seigneur, par ton ineffable agonie, je peux croire en l’amour ».

Et Jésus marche, mais Il attend quelque chose, Il attend notre compagnie, Il attend que nous regardions… je ne sais pas, Il attend d’ouvrir les fenêtres de mon âme, de ton âme, de l’âme de chacun de nous. Qu’elles sont laides les âmes fermées, qui sèment à l’intérieur et sourient à l’intérieur ! Elles n’ont pas de sens. Jésus marche et attend avec son amour, attend avec sa tendresse, pour nous consoler, pour sécher nos larmes.

Maintenant je vous pose une question, mais ne répondez pas à haute voix : chacun répond en lui-même. Est-ce que je pleure parfois ? Y a-t-il des choses dans la vie qui me font pleurer ? Nous avons tous pleuré dans la vie, et nous pleurons encore. Et Jésus est là avec nous, Il pleure avec nous, parce qu’Il nous accompagne dans l’obscurité qui provoque nos pleurs.

Maintenant je ferai un peu silence, et que chacun dise à Jésus ce qui le fait pleurer dans la vie ; chacun de nous le lui dit à présent, en silence.

[moment de silence].

Jésus, avec sa tendresse, essuie nos larmes cachées. Jésus veut combler de sa proximité notre solitude. Que les moments de solitude sont tristes ! Et Lui il est là, Il veut combler cette solitude. Jésus veut combler nos peurs, tes peurs, mes peurs. Ces sombres peurs, Il veut les remplir de sa consolation ; et Il attend de nous pousser à prendre le risque d’aimer. Parce que, vous le savez, vous le savez mieux que moi: aimer est risqué. Il faut prendre le risque d’aimer.

C’est un risque, mais il vaut la peine d’être pris, et Il nous accompagne en cela. Toujours Il nous accompagne. Toujours Il marche. Toujours, durant la vie, Il est avec nous.

Je ne veux pas dire beaucoup plus de choses. Aujourd’hui, nous ferons le chemin avec Lui, le chemin de sa souffrance, le chemin de nos soucis, le chemin de nos solitudes.

Maintenant, un moment de silence, et que chacun pense à sa souffrance, à son souci, à ses misères. N’ayez pas peur, pensez-y, et pensez aussi au désir de l’âme de retrouver le sourire.

[moment de silence].

Et Jésus marche jusqu’à la Croix, Il meurt sur la Croix, pour que notre âme puisse sourire. Amen.

Chemin de croix, 4 août

Nous avons récité le Rosaire, une prière très belle et vitale, vitale parce qu’elle nous met en contact avec la vie de Jésus et de Marie. Et nous avons médité les mystères joyeux qui nous rappellent que l’Église ne peut être que la maison de la joie. La petite chapelle dans laquelle nous nous trouvons est une belle image de l’Église : accueillante, sans portes. L’Église n’a pas de portes, pour que tout le monde puisse entrer. Et ici nous pouvons aussi insister sur le fait que tout le monde peut entrer, parce que c’est la maison de la Mère, et une mère a toujours le cœur ouvert à tous ses enfants, tous, tous, tous, tous, sans aucune exclusion.

Nous sommes ici, sous le regard maternel de Marie, nous sommes ici comme Église, Église mère.

Le pèlerinage est précisément une caractéristique mariale, parce que la première à avoir fait un pèlerinage après l’annonce de Jésus a été Marie. Dès qu’elle a appris que sa cousine était enceinte – elle était très âgée, la cousine – elle est partie à la hâte. C’est une traduction un peu libre, l’Évangile dit « elle est partie en hâte », nous dirions qu’elle est « partie en vitesse » avec cette envie d’aider, d’être présente.

Les titres de Marie sont nombreux, mais en y réfléchissant, il y en a un que l’on pourrait dire : la Vierge « qui part en vitesse », chaque fois qu’il y a un problème ; chaque fois que nous l’invoquons, elle n’hésite pas, elle vient, elle est attentionnée. Vierge attentionnée, ça vous plait comme ça ? Disons-le tous ensemble : la Vierge attentionnée ! Elle se dépêche pour être près de nous, elle se dépêche parce qu’elle est Mère. En portugais on dit « apressada« , me dit Mgr Ornelas. Vierge « apressada« . C’est ainsi qu’elle accompagne la vie de Jésus. Elle ne se cache pas après la résurrection, elle accompagne les disciples dans l’attente de l’Esprit Saint. Elle accompagne l’Église qui commence à grandir après la Pentecôte. Vierge attentionnée et Vierge qui accompagne. Elle accompagne toujours. Elle n’est jamais protagoniste. Le geste d’accueil de Marie Mère est double : d’abord elle accueille et ensuite elle montre Jésus. Dans sa vie, Marie ne fait rien d’autre que montrer Jésus. « Faites tout ce qu’il vous dira ». Suivez Jésus.

Ce sont les deux gestes de Marie, pensons-y : elle nous accueille tous et nous montre Jésus. Et elle le fait avec attention, « apressada« . La Vierge attentionnée qui nous accueille tous et nous montre Jésus. Et chaque fois que nous venons ici, souvenons-nous de cela. Marie s’est rendue présente ici de manière spéciale, afin que l’incrédulité de beaucoup de cœurs s’ouvre à Jésus. Par sa présence, elle nous montre Jésus, toujours elle nous montre Jésus. Et aujourd’hui, elle est ici parmi nous, elle est toujours parmi nous, mais aujourd’hui, nous la sentons beaucoup plus proche. Marie attentionnée.

Mes amis, Jésus nous aime au point de s’identifier à nous et Il nous demande de collaborer avec Lui. Et Marie nous montre ce que Jésus nous demande : marcher dans la vie en collaborant avec Lui. Je voudrais aujourd’hui que nous regardions l’image de Marie et que chacun se dise : que me dit Marie en tant que Mère ? que me montre-t-elle ? Elle nous montre Jésus. Parfois elle nous montre aussi une petite chose qui ne fonctionne pas bien dans notre cœur, mais elle nous montre toujours. « Mère, que me montres-tu ? » Prenons un petit moment de silence et que chacun, dans son cœur, dise : « Mère, qu’est-ce que tu me montres ? Qu’y a-t-il dans ma vie qui te préoccupe ? Qu’y a-t-il dans ma vie qui t’affecte ? Qu’y a-t-il dans ma vie qui t’intéresse ? Montre-le ». Et c’est là qu’elle montre notre cœur à Jésus pour qu’Il vienne. Et de même qu’elle nous montre Jésus, elle montre à Jésus le cœur de chacun.

Chers frères, nous ressentons aujourd’hui la présence de Marie Mère, la Mère qui dit toujours : « Faites ce que Jésus vous dit » ; elle nous montre Jésus. Mais aussi la Mère qui dit à Jésus : « Fais ce qu’il te demande ». C’est Marie. C’est notre Mère, la Vierge attentionnée qui est proche de nous. Qu’elle nous bénisse tous ! Amen.

Chapelet avec les malades à Fatima, 5 août

Chers frères et sœurs, bonsoir !

Vous voir me donne beaucoup de joie ! Merci d’avoir voyagé, d’avoir marché et merci d’être là! Je pense aussi que la Vierge Marie a dû voyager pour voir Élisabeth: « Elle se leva et partit en hâte » (Lc 1, 39). On peut se demander : pourquoi Marie se lève-t-elle et se rend-elle en hâte chez sa cousine? Certes, elle vient d’apprendre que la cousine est enceinte, mais elle l’est également : pourquoi donc y aller si personne ne le lui a demandé? Marie accomplit un geste qui ne lui est pas demandé et qu’elle ne doit en rien. Marie y va parce qu’elle aime, et que « celui qui aime court, vole, il est dans la joie » (L’Imitation de Jésus-Christ, III, 5). Voilà ce que fait l’amour.

La joie de Marie est double : elle vient de recevoir l’annonce de l’ange qu’elle va accueillir le Rédempteur, et aussi la nouvelle que sa cousine est enceinte. Alors, c’est intéressant : au lieu de penser à elle-même, elle pense à l’autre. Pourquoi ? Parce que la joie est missionnaire, la joie n’est pas pour un seul, elle est pour apporter quelque chose. Je vous demande : vous, qui êtes ici, qui êtes venus pour vous rencontrer, pour trouver le message du Christ, pour trouver un beau sens à votre vie, allez-vous garder cela pour vous ou allez-vous le porter aux autres ? Qu’en pensez-vous ? Je n’entends pas… C’est pour le porter aux autres, parce que la joie est missionnaire ! Répétons-le tous ensemble : la joie est missionnaire ! C’est pourquoi je porte cette joie aux autres.

Mais cette joie que nous avons, d’autres nous ont préparés à la recevoir. Regardons maintenant en arrière, tout ce que nous avons reçu : tout cela a préparé notre cœur à la joie. Tous, si nous regardons en arrière, nous avons des personnes qui ont été un rayon de lumière dans notre vie : parents, grands-parents, amis, prêtres, religieux, catéchistes, animateurs, professeurs… Ils sont comme les racines de notre joie. Faisons maintenant un moment de silence et que chacun pense à ceux qui nous ont donné quelque chose dans la vie, qui sont comme les racines de notre joie.

[Moment de silence]

Vous avez trouvé ? Vous avez trouvé des visages, des histoires? La joie qui est venue à travers ces racines, et celle que nous, nous devons donner parce que nous avons des racines de joie. Et, de la même manière, nous pouvons être des racines de joie pour les autres. Il ne s’agit pas d’apporter une joie passagère, la joie du moment ; il s’agit d’apporter une joie qui crée des racines. Et je me demande : comment pouvons-nous devenir des racines de joie?

La joie ne se trouve pas dans une bibliothèque, fermée – même s’il est nécessaire d’étudier ! – mais elle se trouve ailleurs. Elle n’est pas gardée sous clé. La joie, il faut la rechercher, il faut la découvrir. Il faut la découvrir dans le dialogue avec les autres, où nous devons donner ces racines de joie que nous avons reçues. Et cela, parfois, fatigue. Je vous pose une question : vous arrive-t-il d’être fatigués ? Pensez à ce qui se passe quand on est fatigué : on n’a plus envie de rien, comme on dit en espagnol, on jette l’éponge parce qu’on n’a pas envie de continuer, et alors on abandonne, on s’arrête de marcher et on tombe. Croyez-vous qu’une personne qui tombe dans la vie, qui a un échec, qui commet même des erreurs graves, fortes, croyez-que sa vie soit finie ? Non ! Que faut-il faire? Se lever ! Et il y a quelque chose de très beau que je voudrais vous laisser aujourd’hui en souvenir. Les chasseurs alpins, qui aiment escalader les montagnes, ont une très belle chanson qui dit : « Dans l’art de l’escalade – sur la montagne – ce qui compte, ce n’est pas de ne pas tomber, mais de ne pas rester tombé ». C’est très beau !

Celui qui reste tombé est déjà « parti à la retraite », il s’est fermé, il s’est fermé à l’espérance, il s’est fermé aux désirs, et il reste à terre. Et quand nous voyons quelqu’un, un ami qui est tombé, que devons-nous faire ? Le relever. Avez-vous remarqué que lorsque quelqu’un doit soulager ou aider une personne à se relever, le geste qu’elle fait ? Il la regarde de haut. Le seul moment, le seul moment où il est permis de regarder une personne de haut, c’est pour l’aider à se relever. Combien de fois, combien de fois voyons-nous des gens qui nous regardent comme ça, par-dessus l’épaule, de haut ! C’est triste. La seule façon, la seule situation dans laquelle il est permis de regarder une personne de haut est… dites-le vous…, fort : pour l’aider à se relever.

Cela c’est un peu la marche, la constance dans la marche. Et dans la vie, pour réaliser des choses, il faut s’entraîner à marcher. Parfois on n’a pas envie de marcher, on n’a pas envie de se donner de la peine, on triche aux examens parce qu’on n’a pas envie d’étudier et on n’obtient pas le résultat. Je ne sais pas si certains d’entre vous aiment le football… Moi, j’aime. Derrière un but, qu’est-ce qu’il y a ? Beaucoup d’entraînement. Derrière un résultat, qu’est-ce qu’il y a ? Beaucoup d’entraînement. Et, dans la vie, on ne peut pas toujours faire ce que l’on veut, mais ce qui nous conduit à accomplir la vocation que nous avons en nous – chacun a sa propre vocation. Marcher. Et si je tombe, je me relève ou quelqu’un m’aide à me relever ; ne pas rester à terre ; et m’entraîner, m’entraîner à marcher. Et tout cela est possible, non pas parce que nous suivons un cours sur la manière de marcher – il n’y a pas de cours qui nous apprenne à marcher dans la vie – : cela s’apprend. Cela s’apprend des parents, cela s’apprend des grands-parents, cela s’apprend des amis, en s’aidant mutuellement. Dans la vie, on apprend, et c’est un entraînement à la marche.

Je vous laisse avec ces idées. Marcher et, si l’on tombe, se relever ; marcher avec un objectif ; s’entraînez chaque jour de la vie. Dans la vie, rien n’est gratuit, tout se paie. Une seule chose est gratuite : l’amour de Jésus ! Alors, avec cette gratuité que nous avons – l’amour de Jésus – et avec la volonté de marcher, marchons dans l’espérance, regardons nos racines et avançons, sans peur. N’ayez pas peur. Je vous remercie ! Au revoir !

Veillée avec les jeunes, 5 août

« Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! » (Mt 17, 4). Ces paroles, que l’apôtre Pierre a adressées à Jésus sur la montagne de la Transfiguration, nous voulons aussi les faire nôtres après ces journées intenses. Tout ce que nous sommes en train de vivre avec Jésus est beau, ce que nous avons fait ensemble. Et la manière dont nous avons prié est belle, avec une grande joie dans le cœur. Nous pouvons alors nous demander : qu’est-ce que nous remporterons avec nous en retournant à vie quotidienne?

Je voudrais répondre à cette question par trois verbes, en suivant l’Évangile que nous avons entendu. Qu’est-ce que nous remporterons ? : briller, écouter, ne pas craindre. Qu’est-ce que nous remporterons avec nous ? Je réponds par ces trois mots : briller, écouter, ne pas craindre.

Le premier : Briller. Jésus est transfiguré. L’Évangile dit : « Son visage devint brillant comme le soleil » (Mt 17, 2). Il venait d’annoncer sa passion et sa mort sur la croix, brisant ainsi l’image d’un Messie puissant et mondain, décevant les attentes des disciples. Maintenant, pour les aider à accepter le projet d’amour de Dieu sur chacun de nous, Jésus prend trois d’entre eux, Pierre, Jacques et Jean, Il les conduit sur la montagne et est transfiguré. Ce « bain de lumière » les prépare à la nuit de la passion.

Mes amis, chers jeunes, nous avons aujourd’hui encore besoin d’un peu de lumières, d’un éclair de lumière qui soit espérance pour affronter tant d’obscurités qui nous assaillent dans la vie, tant de défaites quotidiennes, pour y faire face avec la lumière de la résurrection de Jésus. Il est la lumière qui ne se couche jamais, Il est la lumière qui brille même dans la nuit. « Notre Dieu a fait briller nos yeux », dit le prête Esdras (Esd 9, 8). Notre Dieu illumine. Il illumine notre regard, Il illumine notre cœur, Il illumine notre esprit, Il illumine notre désir de faire quelque chose dans la vie. Toujours avec la lumière du Seigneur.

Mais je voudrais vous dire que nous ne devenons pas lumineux lorsque nous sommes sous les projecteurs, non, c’est une erreur. Nous ne devenons pas lumineux lorsque nous affichons une image parfaite, bien ordonnée, bien finie, non. Et non plus lorsque nous nous sentons forts et victorieux. Forts et victorieux mais pas lumineux. Nous brillons quand, en accueillant Jésus, nous apprenons à aimer comme Lui. Aimer comme Jésus : cela nous rend lumineux, cela nous conduit à accomplir des œuvres d’amour. Ne te trompe pas, mon ami, tu deviendras lumière le jour où tu feras des œuvres d’amour. Mais lorsque, au lieu de faire des œuvres d’amour envers les autres, tu te regardes toi-même, comme un égoïste, là, la lumière s’éteint.

Le deuxième verbe est écouter. Sur la montagne, une nuée lumineuse recouvre les disciples. Et le Père parle de cette nuée elle. Et que dit-il ? « Écoutez-le », « Celui-ci est mon Fils bien aimé » (Mt 17, 5). Tout est là : tout ce qu’il y a à faire dans la vie réside dans ce mot : écoutez-le. Écouter Jésus. Tout le secret est là. Écoute ce que Jésus te dit. « Je ne sais pas ce qu’il me dit ». Prends l’Évangile et lis ce que Jésus dit, ce qu’il dit à ton cœur. Car Il a pour nous des paroles de vie éternelle, Il nous révèle que Dieu est Père, qu’Il est amour. Il nous montre le chemin de l’amour. Écoute Jésus. Car, même si c’est avec de la bonne volonté, nous nous engageons sur des chemins qui semblent être des chemins d’amour mais qui, en fin de compte, sont des égoïsmes déguisés en amour. Faites attention aux égoïsme déguisés en amour ! Écoute-le, car Il te dira quel est le chemin de l’amour. Écoute-le.

Briller est le premier mot, soyez lumineux ; écouter, pour ne pas s’égarer ; et enfin, le troisième mot : ne pas avoir peur. N’ayez pas peur. Un mot qui revient si souvent dans la Bible, dans les Évangiles : « N’ayez pas peur ». Ce sont les dernières paroles que Jésus adresse aux disciples au moment de la Transfiguration : « N’ayez pas peur » (Mt 17, 7).

À vous, jeunes, qui avez vécu cette joie, – j’allais dire cette gloire et, de fait, notre rencontre est une sorte de gloire – à vous qui nourrissez de grands rêves mais souvent obscurcis par la crainte de ne pas les voir réalisés; à vous qui pensez parfois ne pas y arriver – un peu de pessimisme nous assaille parfois – ; à vous, jeunes, qui, en ces temps, êtes tentés de vous décourager, de vous juger peut-être inadaptés ou de cacher la douleur en la masquant d’un sourire ; à vous, jeunes, qui voulez changer le monde – et c’est bien de vouloir changer le monde – et qui voulez lutter pour la justice et la paix ; à vous, jeunes, qui y mettez votre engagement et votre imagination, bien que cela vous semble ne pas suffire; à vous, jeunes, dont l’Église et le monde ont besoin comme la terre a besoin de pluie ; à vous, jeunes, qui êtes le présent et l’avenir ; oui, précisément à vous, jeunes, Jésus dit aujourd’hui : « N’ayez pas peur ».

Dans un bref moment de silence, que chacun répète à lui-même dans son cœur ces paroles : « N’ayez pas peur ».

Chers jeunes, je voudrais regarder chacun de vous dans les yeux et vous dire : sois sans crainte, n’aie pas peur ! Mais je vous dis en plus une chose très belle : ce n’est plus moi, c’est Jésus lui-même qui vous regarde maintenant. Il vous regarde, Lui qui vous connaît. Il connaît le cœur de chacun d’entre vous, il connaît la vie de chacun d’entre vous, il connaît les joies, il connaît les peines, les succès et les échecs, il connaît votre cœur. Et aujourd’hui, il vous dit, ici, à Lisbonne, en ces Journées Mondiales de la Jeunesse : « N’ayez pas peur, n’ayez pas peur, courage, n’ayez pas peur ! ».

Messe pour les JMJ, 6 août

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Relecture en paroisse de Raphaël Buyse, Autrement l’Evangile https://www.notredameesperance.com/2023/05/31/relecture-en-paroisse-de-raphael-buyse-autrement-levangile/ Wed, 31 May 2023 10:00:48 +0000 https://www.notredameesperance.com/?p=2166

Nous étions en tout trente-cinq (15h30 et 20h30). Nous avons procédé en quatre temps : tour de table des prénoms, relecture d’un extrait (« Le lac », p. 45-49), libre échange en écoute profonde sur ce que nous avons vécu en nous aidant de cinq mots (appris, surpris, touché, dérouté et conforté – ajouté à la demande d’un participant), enfin interpellation des uns aux autres. Ce que je reproduis ci-dessous, ce sont les verbatim captés au vol. Chaque paragraphe témoigne d’une prise de parole et du déroulement des échanges.

Libres échanges (15h30) : verbatim

Surpris par l’invitation à aller vers : ce qu’il lit dans la vie de Jésus

J’ai beaucoup aimé : Dieu surement se mêle à ses contemporains incognito

Je partage intégralement le paragraphe où il dit qu’il est homme à 100%, ce qu’il tient de ses parents, de son éducation. Il faut être au plus près de l’homme et cela le fait croire en Dieu

Je me souviens d’une conférence de Yves Louillot ( ?), prêtre de l’Est ayant fait une conférence à NDE du temps de Jean Lavergnat : l’annonciation comme un projet de Marie. Lui donner l’éducation qui conduit à la compassion… C’est pas par hasard.

J’ai beaucoup aimé : il cueille ce que ses parents ont semé… Dieu est père et mère tout autant.

J’aime bien le 1er § de la p. … : Dieu est père et il n’a pas besoin d’un sacrifice. Cela m’encourage à mettre en cause tout ce qu’on m’a appris. C’est confortant et déroutant. On aurait dû faire cela avec le Foyer de l’âme. Plus je me sens confortée, plus je me sens protestante

J’ai fait un travail de recherche sur l’Evangile et il vient me conforter. Lui qui pense tout ça, il est encore prêtre. Ayant des idées un peu iconoclastes…

Dépoussiéré tout ce qu’on a jouté sur l’Evangile. La tendresse de Dieu pour l’homme.

Assez dérouté à la première lecture : il remet trop de chose en cause. Il mélange tout et fait un condensé des évangiles, remet en cause les témoignages oculaires. Deuxième lecture : beaucoup aimé « Dieu s’est fait homme » ». Il invente des choses pour humaniser. Il nous fait toucher l’essentiel du message. Si la résurrection des corps ne s’est pas faite, l’essentiel est le message d’amour qui est passé. Ça m’a perturbé, mais, au final, ce livre est utile : Raphaël Buyse est bien croyant en Jésus Christ

Tirer un trait sur l’Evangile, surement pas. Lire entre les lignes. Accueillir comme des paraboles qui éclairent nos expériences de la foi. L’Evangile est une vraie bonne nouvelle (93, 97)

Beaucoup de très belles phrases qui font vivre.

J’ai beaucoup aimé la structure : relire la vie de Jésus sans dimension historique (chapitre 1). Ça choque un peu (la résurrection). Ce qui m’a plus dérouté : les disciples vont à la pêche, Jésus a déjà préparé le poisson. Je suis prête à croire que ce n’est pas historique, mais les images sont très belles : « les enfants ». Comme avec Christian Bobin, L’homme qui marche. Le chapitre 2, où il règle son compte à l’Eglise, ça fait du bien. Troisième partie : aller dans le maquis, vivez ! « Pas d’écluse à traverser pour aller de notre mort au temps de Dieu… » Très profond. Je le vis avec une personne très proche de ma famille et non croyante : « rien de l’amour que tu as donné ne peut être perdu ».

Je me sens très proche de lui ; on ne va pas pouvoir continuer avec les mots que l’on emploie. Il faut se remettre en cause.

Est-ce que ce sont des points qui sont discutés au niveau de la CEF ?

Je reste silencieuse, je vous écoute, mais en vous écoutant, je n’entends que des réflexions scolaires, cartésiennes. Mais ce que j’ai retenu : il m’explique l’humilité, l’écoute. J’ai l’impression que vous voulez éloigner le passé, l’ancien, pour installer quelque chose de nouveau. Cela ne me convient pas. Il est clair dans sa démarche. Un situation l’a conduit à cette démarche. Il est moderne. Il parle de lui aujourd’hui et nous invite à discuter de ce qu’il a ressenti. Dans nos rencontres de petites communautés de foi : nous sommes différents. Je pense en contact avec des grosses têtes (bac + 8, + 10) qui ont une autre sensibilité. J’ai rencontré des personnes qui ont la capacité d’écouter l’autre, d’aller vers l’autre. C’est une particularité française, vous êtes très centrés sur l’intellect. Retenons que l’ancien est plein de valeur. Chez les Africains, les anciens parlent en peu de mots. R Buyse est allé dans ce monastère où l’on parle peu. Mon amie en Afrique m’a dit : on ne lira pas ce livre ici, ce n’est pas pour ici, on n’est pas capable.

Quand tu dis que RB est moderne et élimine l’ancien, je ne suis pas d’accord. Il retourne à ce qui se passait dans les premières communautés de foi.

Des simplets comme moi vont le prendre à la virgule près. Cela risque de mettre l’Eglise catholique en péril, on en met pas l’Eglise catholique en péril. Quand je vous ai entendu, je me suis dit « CGT nous voilà ! ». Moi je refuse d’être un adulte, j’ai une âme d’enfant. Venez un jour à un de nos partages !

Remise en cause, c’est bien difficile : changer d’habitude, aller vers l’autre que je ne connais pas.

J’ai bien aimé son mot « frérer ».

Certains textes liturgiques sont très abscons. Ce n’était pas ici : on avait remplacé le credo par celui de don Helder Camara et quelqu’un avait dit : on en peut pas changer un iota.

J’en dit (« credo ») un tous les jours que je vous donnerai à tous.

Une jeune de 22 ans du MEJ national m’a demandé : « Je dois rédiger une page de réflexion pour les jeunes du MEJ sur le thème : ‘Peut-on être en désaccord avec l’Eglise ?’ Bien sûr, je le suis sur certains points, mais je sens qu’on ne peut pas l’être sur tout. » Je lui ai répondu en lui donnant l’exemple de Raphaël Buyse : un prêtre qui a pris une année sabbatique dans un monastère et qui réfléchit à ce qui est pour lui essentiel dans sa foi, alors que beaucoup de choses le gênent désormais pour vivre…Ce prêtre a trouvé un point essentiel pour nourrir sa foi et son ministère : Jésus, c’est celui qui te tendra toujours la main. Propose aux jeunes du MEJ de réfléchir entre eux sur leur essentiel dans l’Evangile…

Une ado du MEJ que j’ai accompagnée quelques semaines choisit de ne pas demander la confirmation parce qu’elle ne se reconnaît pas dans l’Eglise. Mais elle choisit de continuer dans son équipe, elle croit en Dieu et en Jésus.

J’ai beaucoup aimé ce livre qui m’a enthousiasmé, je le lis par plaisir, pas par piété. Quand je m’ennuie, je le lis. Un chose à laquelle je pense tout de suite (j’ai du mal à argumenter et je mélange un peu avec le groupe synode sur la liturgie) : R. Buyse parle du lavement des pieds ; pendant le covid, on mettait du gel, je voulais proposer que dans la messe le lavement des mains qui est devenu ridicule et ne signifie rien soit remplacé par un geste signifiant.

Une phrase m’avait marqué profondément p. 140 : « J’aime l’Eglise profondément… »

Il explicite p. 180 : « J’aime cette Eglise à venir… »

Merci à l’EAP d’avoir proposé ce livre

Je n’ai pas le talent d’écrivain, mais je pratique ce livre depuis 20 ans

J’ai acheté ce livre, mais j’ai traversé la déconstruction avec beaucoup de mal. Cela m’a épuisé, me faisant travailler : « ouf, il y a de la lumière au bout ». Plein de phrases touchent le cœur. Bobin est plus simple, c’est plus verbeux.

Je trouve étonnante la façon dont il nous invite à nous remettre en cause.

Libres échanges (20h30) : verbatim

Qu’est-ce qui t’a poussé à nous proposer de lire ce livre ?

J’ai bien aimé le pas de côté

J’ai été très agréablement surpris par cet enracinement dans l’humanité. On met « Lui », avec une majuscule, mais ici il va et vient ; il vit ce que tout jeune homme a pu vivre

Ce que j’ai bien aimé au-delà des détails, c’est la démarche de RB, une démarche de relecture. Il a envie que ça puisse être dit sans fard autour de nous, pas seulement dans un cadre catho connaissant tous les codes, même avant le Concile pour les cheveux blancs autour de la table. Il ne démolit pas ni ne rejette les lectures antérieures. On peut toujours et on ne sera pas en contradiction avec ce qu’il a dit. Cela est une attitude très vivante : dire du neuf et, quand même, si les circonstances se donnent, aller chercher le vieux qui est toujours là. Et de façon très pratique.

J’ai l’impression que c’est une explication de texte pour aujourd’hui. L’Evangile a été écrit il y a deux mille ans : Joseph et Marie se sont embrassés… A l’époque, dire que Marie était Vierge, c’était une manière de montrer que c’était quelqu’un d’extraordinaire

J’ai été émerveillée par cette lecture qui m’a transportée. Ça balayait tout un tas de truc qui m’insupportent, comme quand je récite le credo. J’ai trouvé quelqu’un qui dit cela autrement.

Une traversée de ce que je croyais croire : il nous invite à renouveler notre regard, il reste fidèle à la vraie foi. La fin du livre est très belle : le rideau de la vieille Eglise est tombée. Ce n’est pas une contestation, mais une autre façon.

Il invite à prendre de la distance avec ce qui vient du passé. Je trouve cela très sincère et cela rejoint sans doute la plupart des gens honnêtes. On aurait aimé avoir écrit ce livre… et il dit sans cesse : vous n’êtes pas obligés de me suivre.

J’ai apprécié ce livre en pensant que l’auteur nous invite à revenir à l’essentiel. Le Seigneur pendant toute sa vie sur terre a voulu se faire proche, dans une attention à l’homme et le message de le vivre. En creux, par opposition, ce souci de l’homme, ce souci de l’autre, je le trouve beaucoup trop absent de l’Eglise telle qu’on peut la vivre au cours des semaines. Pour être plus clair, le Seigneur ne nous demande pas de lui rendre un culte, mais d’être tourné vers l’autre, vers ceux qu’on appelle les invisibles. Il y a du travail à faire. J’ai relu ce livre avec beaucoup d’intérêt.

Nous étions à plusieurs à lire ce livre et cela a été très, très riche par rapport à son ressenti de fond. Partager avec la vérité de chacun a été très, très riche.

J’ai eu la chance de lire ce livre et de partager ce contenu avec ma petite communauté de foi. J’avais rencontré RB quand j’étais à Lille entre 2001 et 2004. Il nous accueillait sur le parvis avec des sans-abris, des prostituées et il s’interrogeait sur son ministère. Quel trajet depuis avec ce succès d’édition qui n’est pas piqué des vers. Il interroge, il ouvre des portes. Quatre Evangiles, un cinquième, et voici le sixième. Pourquoi on n’en ferait pas chacun un. On ne peut pas lire sans faire. A NDE, beaucoup de choses se font, c’est bien de les relire à la lumière de cela. Il nous dit qu’il faut peut-être passer par l’Evangile de l’enfance, les mythes, après on n’y croit plus. Il faut passer à autre chose beaucoup plus difficile. Alain-Marc Ouaknin dit que les 10 commandements ont été donnés deux fois : grande liberté de lire ! Être chrétien, c’est être libre et inquiet. Devenir plus croyant et moins religieux. Je n’ai pas encore osé le montrer à mes amis qui croient que je suis dans l’aliénation la plus totale comme chrétien… Pourrons-nous être avec eux ?

Je l’ai vécu de manière assez forte et à la fois comme un apaisement. On n’est quand même dans une période de désespoir avec notre pauvre Eglise, et là s’ouvre un chemin. En même temps, je l’ai vécu comme un tremblement de terre. Il passe à la serpe tous les dogmes de l’Eglise catholique romaine. C’est un petit Luther ; pas un théologien sophistiqué, il ne cherche pas à faire une construction béton. Il casse tous les dogmes les uns après les autres. On a eu des choses assez progressistes, mais là on va très, très loin. Le corps du Christ : pourquoi pas dans le charnier de la fosse commune… On va très loin de ce qui est écrit dans le catéchisme de l’Eglise catholique. S’il se traduit dans toutes les langues ? Où va-t-il s’arrêter ? Je l’ai vécu comme cela.

Je l’ai lu comme très frais. J’ai été désarçonné. Il déconstruit l’Evangile ? Ma petite communauté de foi m’a dit : non, non ! Peut-être c’est moi qui suis déconstruite. Il coupe et colle des passages. Ce que dit et fait Jésus est déjà dans toutes les religions me dit ma fille incroyante : comment répondre à cela ?

C’est un élan de vie : il se débarrasse personnellement de tout ce qui enferme et il ouvre des portes pour vivre.

Il nous invite à écrire notre livre. Les deux tables de la loi : la première donnée dans le tonnerre directement par Dieu est refusée par le peuple ; la deuxième est écrite par Moïse. C’est une invite à écrire notre livre… Pendant la vie professionnelle, on n’a pas le temps, après non plus. Ecrire pour les autres, à un moment donné, pour dire qui on est, sans se glorifier… Comment le dire. L’action, les gestes, l’engagement évidemment…

Ce qui m’a surpris, c’est son passage sur la résurrection : il est mort et ressuscité le vendredi saint et le reste est reconstitution pédagogique. Les apôtres ont été « altéré » par la rencontre de Jésus : on ne peut plus être sans l’autre : c’est ressusciter… Mais entre cela et le tombeau vide… Je me suis demandé en pensant à mon fils : faut-il beaucoup s’organiser pour pouvoir transmettre ? Sa lecture est poétique… mais la multitude de petites communautés qu’il voit pour l’Eglise peut-elle transmettre la foi ?

Sur la résurrection, je ne l’ai pas reçu comme vous. Ce qui compte, c’est comment on reçoit en soi la résurrection : ils découvraient peu à peu que la présence continuait. Cela me satisfait. Pour pouvoir s’exprimer, il faut des récits, des images. Ce que nous racontent les Evangiles, c’est la vie de Jésus. Tous les miracles, à la limite ça me convient de dire : ce sont des images. Il y a plusieurs façons de reconduire quelqu’un à la vie. Je me rends compte que cela peut déstabiliser beaucoup de gens.

Je suis d’accord avec vous.

Il garde ce dont il a besoin pour vivre et il écarte ce qui le gêne : comment fait-on communauté ?

Il donne la réponse : si je veux croire comme ci et toi comme ça, on peut être Eglise ensemble.

Ce qui rassemble, c’est la communion fraternelle. On ne dit qu’il pas qu’ils récitaient un catéchisme avant de manger le pain. Ce lieu de rassemblement exprime la communion fraternelle.

Pourquoi faut-il une fédération : qu’est-ce que les petites communautés auront en commun ? L’attention à l’autre et l’amour de l’autre…

Peut-être Jésus quand même !

Pourquoi une structure hiérarchique. Pourquoi a-t-on eu peur de dérives ?

Au départ, les évêques étaient des veilleurs en charge de l’unité de la communauté.

C’est autre chose qu’on a fait plus tard.

Il fait de Jésus l’homme par excellence. « Une sage-femme qui met Dieu au monde ». Au-delà de « frères », que peut-on dire ?

Ses apôtres ont proclamé sa transcendance après sa mort en disant qu’il est Vivant. Des chercheurs travaillent sur l’histoire du vivant. Ca nous rapproche de la grande histoire du vivant, ce qui permet de parler à nos contemporains : on est des vivants… Une foison de publications sur la vie comme résurrection (conférences au Collège de France). On vit parce qu’on ressuscite. Le corps se renouvelle sept fois entièrement dans nos cellules. On a de quoi nous conforter dans ce qui nous réunit. On a beaucoup de chance. La science et la pensée ont beaucoup travaillé sur la question. Il ne va pas aussi loin, mais c’est le même esprit. Si vous parlez avec un spécialiste du vivant, il ne faut pas lui raconter n’importe quoi.

RB a mis son humanité dans ce livre. Il a écrit un livre comme aumônier d’hôpital. Il faut que je le lise pour savoir comment il a été vis-à-vis des autres. « Dieu aime le corps » dit-il : pourquoi le bon Dieu ne fait pas quelque chose pour moi ? Comment RB allait vers l’autre ? Vers l’humain souffrant. Vous êtes dans les mains du médecin ; il s’agit de demander la compétence des médecins plus que le miracle… Oui, renouveler, revoir l’Evangile avec ma foi, ce livre m’a conforté.

J’ai l’impression qu’on en est toujours à « paroles du Christ » versus « organisation » ? On est parti pour rester dans le statut quo ? Que va-t-on faire ? Est-ce qu’on va rester dans la satisfaction d’avoir lu ce livre et ne rien faire ? Quel après ?

Dans son propos sur l’eucharistie, il y a une réponse : « devenez ce que vous recevez : être sa présence agissante dans ce monde qu’il aime. » Je trouve que l’eucharistie prend une forme de dynamisme. « En toi, j’ai mis toute ma joie » : ces propos aident à agir… Se laisser révéler par les autres. Beaucoup de phrases sont dans l’ordre du faire.

Comment puis-je être un révélateur pour d’autres ? Qui m’a révélé à moi-même ? Être parfaitement soi-même au point d’être attentif à l’autre : pas facile. Dans les petites choses. Et si, nous, on disait à ceux qu’on rencontre qu’il n’y a pas de ratage ! Jean-Baptiste en avait marre d’entendre les sermons dans les synagogues, il est parti au désert et… on est venu vers lui. Avons-nous la force l’Esprit pour être des révélateurs ?

P. 142 : reformulation des Béatitudes extraordinaire : une invitation à vivre autrement dans le concret.

Tu as dit : pendant l’enfance, on nous a appris des choses faciles, en devenant adultes, repenser ces choses-là devient plus difficile ?

Les peuples aimaient les mythes. Enfant on aimait bien les histoires : ça m’a aidé dans ma foi. Je ne vais pas les renier. Ça fait vivre.

On est un certain nombre à avoir des enfants qui ne veulent plus mettre les pieds à l’Eglise. Je pense que c’est pour ça : ces récits mythiques se déconstruisent de même. C’est bien, à condition qu’on leur propose l’essentiel.

Certains ont découvert l’Eglise autrement.

Juifs et musulmans transmettent plus que les chrétiens ? Est-ce parce qu’ils proposent un moule ?

Pourquoi sommes-nous restés dans l’Eglise ? C’est peut-être la question à renvoyer à nos enfants. Et pourtant on continue. Parce que la communauté porte, la foi seule s’étiole… Tout en critiquant fermement beaucoup de choses.

Transmettre, ce n’est pas que la fréquentation à l’église. J’aime beaucoup la manière de nos enfants de s’ouvrir, de critiquer…

En Indes, rencontrant un brahman, je lui dis : « je suis chrétien » – Il me dit « vous êtes d’abord un homme ». Jésus : une figure charismatique qui parle quand même.

Le Pape, on en parle !

On se remet en route dans les petites communautés

A l’hôpital, il m’est arrivé plusieurs fois de faire les levées de corps. Plusieurs personnes sont là et me disent : « il a été baptisé, il faudrait faire quelque chose ». J’ai souvent proposé l’évangile des béatitudes : « Dans ce que le Christ dit, votre proche a retrouvé le Christ en quelque chose là-dedans ». « L’évangile que vous avez lu, ça me dit quelque chose du défunt ».

On peut échafauder beaucoup de choses, le plus important : « être au plus près de l’homme ».

Je retiens la phrase : « Jésus te tendra toujours la main. » « Dieu ne te lâchera pas »

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Les fresques de Giotto https://www.notredameesperance.com/2023/04/19/les-fresques-de-giotto/ Wed, 19 Apr 2023 09:29:04 +0000 https://www.notredameesperance.com/?p=2113 Notre dame d’Espérance, vous propose de découvrir les fresques de Giotto – exposées au couvent des franciscains – à travers ce document conçu par deux paroissiens.

Plus d’infos pour se rendre sur place ici : https://www.clarte-dieu.fr/accueil/

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Synodalité : Ensemble, renouvelons l’Eglise  https://www.notredameesperance.com/2022/11/18/synodalite-un-temps-ensemble-pour-reparer-et-renaitre-et-se-mettre-en-marche/ Fri, 18 Nov 2022 15:50:28 +0000 https://www.notredameesperance.com/?p=1780 A l’invitation du Pape François, la communauté de Notre-Dame d’Espérance s’est retrouvée l’an dernier en petits groupes de partage et en quatre Assemblées synodales sur le thème « Va, répare mon Eglise. Vois, elle tombe en ruine ». A travers nos échanges, nous avons énoncé beaucoup de propositions concrètes, qui ont toutes été conservées.

En les analysant avec l’aide de Patrice et Anne, nous avions regroupé ces propositions en sept grands thèmes, et nous avons décidé d’en travailler ensemble trois : 

« Rajeunir l’Eglise et son image » ;

« Un état d’esprit démocratique pour redonner de la confiance » ;

« Partager la joie d’être chrétien ».

Lors de la rentrée paroissiale de cette année, nous avons fait le point ensemble sur ce qui est déjà mis en route, puis nous avons voté pour choisir parmi quatorze propositions celles que nous voulons mettre en œuvre et pour lesquelles nous sommes prêts à nous engager.

A la mesure de nos forces, l’EAP a retenu pour cette année les quatre propositions arrivées en tête du vote :

« Atelier de créativité liturgique » ;

« Des débats et des échanges sur des questions de sociétés ouverts à tous, dans l’église » ;

« Une nuit de la foi et de l’engagement » ;

« Identifier les actions au sein du quartier, s’y engager et le partager dans la communauté de NDE. Répondre aux appels du quartier ».

A la rentrée de janvier 2023, quatre groupes se réuniront pour mettre en œuvre ces quatre projets. L’EAP accompagnera la création de ces quatre groupes qui, une fois lancés, auront la mission de s’organiser pour mettre en œuvre leur projet en lien avec la paroisse. Chaque groupe établira sa méthode de travail, son calendrier et ses objectifs réalistes. Avec l’autonomie qui caractérise la vie des groupes à NDE, il rendra compte de son travail le moment venu à la communauté paroissiale. Tous peuvent bien sûr participer à la première rencontre de chaque groupe, qu’ils aient ou non voté pour cette proposition, mais notre conseil est de ne s’engager par la suite que dans un seul groupe.

Les dix autres propositions ne seront pas négligées pour autant : Blandine, au secrétariat, mettra en relation ceux qui souhaitent s’y engager et établira le contact, le cas échéant, avec les groupes paroissiaux existant concernés par ces propositions. Mais nos forces sont limitées et tout ne va pas commencer en même temps, au même rythme ni avec le même accompagnement. Il ne s’agit pas, en effet, d’agir pour agir, mais de contribuer à renouveler l’Eglise en vivant et en rayonnant l’Evangile ici et maintenant.

Une paroisse est à la fois une réalité d’Eglise et une réalité de quartier. Renouveler l’Eglise, dans l’esprit de la Charte d’Espérance de NDE, cela signifie : faire vivre et rayonner notre communauté chrétienne, accueillir et aller vers ceux et celles qui veulent faire un bout de chemin avec nous, s’engager dans la vie de notre quartier pour répondre à ses appels. Notre charisme de chrétiens est de partager le « sel » que nous avons reçu du Christ. Les projets retenus ont du sens non seulement pour nous, mais pour le quartier parce qu’ils expriment et construisent ce que nous espérons.

Calendrier des premières rencontres des groupes de travail :

Groupe « Atelier de créativité liturgique » : … janvier ;
Groupe « Des débats et des échanges sur des questions de sociétés ouverts à tous, dans l’église » : … janvier ;
Groupe « Une nuit de la foi et de l’engagement » : …janvier ;
Groupe « Identifier les actions au sein du quartier, s’y engager et le partager dans la communauté de NDE. Répondre aux appels du quartier » : … janvier .

Vous trouverez ci dessous le recueil des 14 comptes rendus bruts des différents groupes de travail sur le synode.

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Répare mon Église https://www.notredameesperance.com/2022/01/03/repare-mon-eglise/ Mon, 03 Jan 2022 09:14:00 +0000 https://www.notredameesperance.com/?p=1471 Après 3 rencontres, le dynamisme et les attentes de notre communauté se sont manifestés par le nombre de participants, la liberté de parole et la joie ressentie de travailler ensemble dans la foi et l’espérance.

Compte rendu de ces rencontres.

Notre démarche n’a pas d’objectifs fixés d’avance : en marchant et réfléchissant ensemble, au souffle de l’Esprit Saint, nous découvrirons des paysages inconnus pourvu que nous soyons à l’écoute les uns des autres et de la Parole de Dieu. Nos rencontres sont déjà une nouvelle manière de vivre la mission du peuple de Dieu et de faire grandir l’espérance. Nous sommes si heureux de vous proposer cette démarche et souhaitons à tous : Bonne route !

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